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Cependant les armées russes avançaient vers la frontière de Silésie. Napoléon tenta un dernier effort pour que la Prusse leur interdît le passage. Il fit écrire le 20 septembre à Duroc : « Si les scrupules du roi ne peuvent être vaincus, si la gloire ni l’intérêt ne le touchent plus, si enfin il n’y a plus un mot à placer pour l’alliance, vous êtes autorisé à conclure un traité de neutralité dont la remise du Hanovre, à titre de simple dépôt pendant toute la durée de la guerre, serait la condition fondamentale. » Les diplomates français se rendaient parfaitement compte de la situation où ils mettaient la Prusse, mais ils gagnaient du temps ; c’était tout ce qu’ils voulaient. On voyait assez clair en ce temps-là au ministère des relations extérieures ; nous avons une bien curieuse dépêche du chef de la division du midi auquel Talleyrand avait confié l’intérim, tandis qu’il suivait de loin, pede claudo et comme il convient à la justice diplomatique, le quartier-général. M. d’Hauterive lui écrivait de Paris le 1er novembre 1805 : « La destinée prochaine du cabinet de Prusse dépend de la détermination qu’il va prendre. Il peut aller encore quelque temps avec une neutralité telle que celle de la dernière guerre. Il dépérira rapidement sous la honte d’une neutralité passive et déshonorée. Il courra vers l’abîme, s’il se joint à nos ennemis… La cour de Vienne sera pacifiée dans le cours de l’hiver, et la première campagne verra commencer la décadence de la Prusse et consommer sa ruine. »

La Prusse en était arrivée à l’heure où il n’y a plus que des fautes à commettre. La remise du Hanovre, on la briguait depuis longtemps à Berlin, presque sans l’espérer. On l’obtenait maintenant, on n’osa l’accepter. C’est que les agens russes circonvenaient le roi, et trouvaient dans son entourage, dans sa plus proche intimité, un appui d’autant plus efficace qu’il partait de la plus pure conviction. Il y avait chez eux « un parti-pris d’entraîner la Prusse par des caresses ou de la décider par des menaces. » Ils se hâtèrent un peu trop toutefois et prirent le silence pour un consentement. Alexandre donna ordre à ses troupes d’entrer en Silésie. Frédéric-Guillaume tenait à ses prérogatives souveraines ; il se fâcha, et fit mobiliser l’armée. Napoléon lui offrit aussitôt de le protéger contre toute agression de ses voisins. Il y avait cette fois des chances sérieuses de conclure l’alliance, l’empereur la tint pour décidée, et il