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léguait au monde cette leçon que l’administration n’est pas tout, et qu’il y a, même en matière de finances, des principes de moralité et de droit qui agissent non pas seulement comme élémens de progrès, mais comme conditions préservatrices des institutions. Il faut savoir gré à ceux qui, au milieu d’enseignemens d’une nature spéciale et pour ainsi dire technique, savent tirer de l’histoire ces leçons toutes morales dont nous avons besoin.


HENRI BAUDRILLART.



Histoire de l’éloquence latine depuis l’origine de Rome jusqu’à Cicéron, d’après les notes de M. Adolphe Berger, professeur à la Faculté des lettres de Paris, réunies et publiées par M. Victor Cucheval ; 2 vol. in-12.


Jusqu’à ces trente dernières années, l’enseignement des lettres grecques et latines dans nos facultés, et même au Collège de France, se bornait à peu près, soit à une explication plus ou moins savante des auteurs, soit à un commentaire plus ou moins spirituel ou éloquent des beautés de la littérature classique. C’est à ces modestes exercices qu’appliquaient leurs éminentes qualités d’esprit et les trésors de leur érudition des professeurs de notre pays s’appelant Boissonade, Burnouf, Naudet, Gibon, Rinn, Victor Leclerc, Alexandre, pour ne parler que des morts. C’était une école d’érudits et de critiques, bien plus soucieux de développer le goût ou de perfectionner l’instruction classique de leurs élèves que de les initier à cette histoire des littératures dont notre siècle devait faire une véritable science, celle, par parenthèse, qui lui sera comptée comme l’un de ses meilleurs titres à l’estime et à l’admiration de la postérité.

Ce n’est pas que l’érudition de ces hellénistes et de ces latinistes consommés n’ait rien produit de sérieux et de profitable à l’histoire scientifique des littératures anciennes, en dehors des exercices littéraires ou philologiques. D’excellentes et savantes études ont été faites et publiées par la plupart des professeurs dont il vient d’être fait mention, et par d’autres qui vivent encore, de manière à fournir de nombreux et riches matériaux pour les œuvres d’ensemble qui attendaient la main d’architectes patiens et habiles dans l’art de construire un monument ; mais, sauf quelques résumés rapides, tels que l’excellent article de M. Rinn sur la littérature latine, ou quelques études suivies, comme fla brillante et fine analyse des poètes latins de la décadence, par M. Désiré Nisard, il n’avait point paru d’histoire proprement dite de la littérature latine avant le manuel substantiel, précis et judicieux de M. Alexis Pierron.

Adolphe Berger est peut-être le premier professeur d’éloquence latine qui soit entré franchement dans la voie depuis longtemps ouverte par les professeurs des universités étrangères, et particulièrement des universités allemandes, en y portant toutes les qualités d’un esprit essentiellement français, la précision et la sobriété dans l’érudition, la clarté