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LES
ÉCOLES D’APPRENTIS

Mémoire à M. le préfet de la Seine par l’inspecteur-général de l’instruction publique, directeur de l’enseignement primaire de la Seine, in-8°.


Tout a été dit sur les misères du premier apprentissage, la plaie a été sondée bien des fois, et pourtant on ne lui avait appliqué jusqu’ici que des palliatifs insuffisans. Aveu triste à faire, les classes qui y sont le plus intéressées sont celles qui s’en occupent le plus superficiellement et font le moins d’efforts pour la guérir. Elles ont d’autres soucis, plus directs, plus personnels. Voyez l’ouvrier tout formé, même l’adolescent qui va toucher le prix de son premier travail. À quoi et à qui songent-ils ? Évidemment à eux-mêmes. S’il y a quelque part une agitation pour les salaires, on les y voit courir pour imposer, quand ils le peuvent, des conditions d’argent et de temps, n’ayant pas de cesse que le procès ne soit vidé et y épuisant, s’il le faut, leurs dernières ressources. C’est là ce qui semble le pain des forts ; quant aux faibles, enfans et femmes, ils n’y touchent pas, et personne n’y touche pour eux. Par la nature des choses, ce sont des concurrens, presque des ennemis, et dans bien des cas on les traite comme tels. Dans quelques ateliers, on limite strictement le nombre des apprentis de manière que la tâche gratuite ne puisse jamais préjudicier à la tâche soldée dans d’autres ateliers, un interdit est jeté sur le travail des femmes, arbitrairement exclues de certaines fonctions, le tout sous peine de grèves et de mises à l’index. N’est-ce pas là, sans forcer les mots, l’écrasement des faibles, ce combat de la vie où c’est à qui aura les meilleures parts, et où l’on est sans pitié pour qui n’est pas de force et de taille à se défendre ?