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auraient-ils consenti à faire les frais des autres travaux de défense. Après bien des discussions et des hésitations, il fut démontré que l’initiative locale était impuissante, et que le concours de l’état était nécessaire. Ce fut alors qu’intervint la loi du 28 juillet 1860 sur le reboisement des montagnes.

Il existait déjà, dans l’arsenal des lois antérieures, quantité de mesures exceptionnelles édictées avec l’intention de faire obstacle au déboisement de la propriété forestière ; mais, outre que ces mesures restrictives avaient pour but d’empêcher le défrichement plutôt que de favoriser le reboisement des cantons défrichés mal à propos, elles avaient encore l’inconvénient de ne pas faire la distinction qu’il convient entre les forêts des plaines et celles des pays montagneux. Antérieurement à 1860, on ne peut citer qu’une seule grande opération de reboisement entreprise dans un dessein d’utilité publique : c’est la plantation des dunes de Gascogne, par laquelle Brémontier, ancien ingénieur de la généralité de Bordeaux, s’est illustré. En 1845, sur la demande de la plupart des conseils-généraux, un projet de loi avait été préparé qui avait pour but de soumettre au régime forestier tous les terrains sur lesquels l’utilité publique commandait de régénérer les bois ou les pâturages. Ce projet trop radical n’avait pas eu de suite. C’eût été sans contredit s’engager dans des dépenses illimitées et porter une grave atteinte aux droits de la propriété privée.

La loi du 28 juillet 1860 eut une bien moindre portée. Elle ne déclare le reboisement obligatoire que sur les terrains en pente et dans le cas seulement où l’état du sol est un danger pour les terrains extérieurs. Encore dans ce cas soumet-elle la déclaration d’utilité publique à des formalités d’enquête et d’informations qui sauvegardent l’intérêt des propriétaires. Elle ne permet d’atteindre en une année que le vingtième du territoire d’une commune, ce qui garantit les habitans des montagnes contre l’expropriation en masse de leurs pâturages. Au surplus, en mettant la plus forte partie des dépenses à la charge de l’état, le législateur limitait de très près l’intervention de l’administration forestière. On évaluait alors à plus de 1,100,000 hectares la superficie susceptible d’être reboisée, et on affectait à ces travaux une subvention de 10 millions de francs à dépenser en dix ans. Comme on estimait la dépense du reboisement à 180 francs par hectare, il était évident que les opérations ne pouvaient porter en moyenne que sur 8,000 hectares par an. Seulement il était bien entendu que les premiers travaux de reboisement devaient être entrepris dans les cantons victimes des ravages des torrens, où le remède devait être le plus efficace en même temps que le danger du statu quo y était le plus grave.