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soit plus mis d’obstacle à la création d’une confédération du nord, que Wesel soit rendu à l’Allemagne. Napoléon, refuse, et la guerre est déclarée.

L’empereur en était venu à ses fins. Le 3 octobre, il se fit présenter un rapport par son ministre des relations extérieures, « La Prusse, disait Talleyrand, n’en est plus à méditer la guerre, elle la fait. Par quels motifs ? Je l’ignore, et je ne lui en connais aucun[1]. » — « Nous avons vu à Berlin, continuait-il, les préparatifs se poursuivre, l’arrogance s’accroître, les provocations s’accumuler[2]. Le ministre de sa majesté, est plus que le témoin de procédés et de mesures contraires à la dignité de la France ;[3]. Les troupes prussiennes menacent le territoire de la confédération du Rhin. » — Napoléon envoya un message au sénat ; il y développait les mêmes idées, puis, s’adressant à ses troupes, il chercha, en rappelant les outrages[4] anciens, à réveiller en elles les passions de 1792. « La même faction, le même esprit de destruction qui amena il y a quatorze ans les Prussiens en Champagne, à la faveur de nos divisions, animent et dirigent nos ennemis. Si ce n’est plus Paris qu’ils veulent brûler, ce sont les capitales de nos alliés au milieu desquelles ils prétendent planter leurs drapeaux, c’est la Saxe qu’ils ont forcée par un traité honteux de renoncer à son indépendance,… ce sont enfin vos lauriers qu’ils veulent arracher de vos fronts[5]. » La France croyait ces choses ; elle était sincère et marchait. Les éblouissemens de la gloire sont une explication, ils ne sont pas une excuse. Cet égarement n’était pas moins funeste que celui dont à la même heure la Prusse était possédée. Les ministres y faisaient dans un

  1. « Tout prétexte pour la guerre manquait… Il n’y avait aucune cause quelconque de guerre. » — Le comte de Bismarck au comte Bernatorff, 18 juillet 1870.
  2. M. de Bismarck disait le 13 juillet à lord Loftus : « Nous ne pouvons laisser la France prendre l’avance sur nous en ce qui concerne les armemens… J’ai des informations positives que des préparatifs militaires ont été faits et se font en France pour la guerre… Il était impossible que la Prusse demeurât humble et impassible sous l’affront infligé au roi et à la nation par le langage menaçant du gouvernement français. » — Lord Loftus au comte Granville, 13 juillet 1870.
  3. « Les deux ministres demandèrent (à l’ambassadeur de Prusse) que sa majesté le roi écrivît une lettre d’excuse à l’empereur Napoléon… L’insolence de la presse gouvernementale française devançait le triomphe désiré. » — M. de Bismarck à M. de Bernstorff, id.
  4. Le 19 juillet 1870 le roi de Prusse rétablit l’ordre de la croix de fer « en souvenir des grandes années de la guerre d’indépendance. »
  5. « A l’exemple de nos pères, nous combattrons pour notre liberté et pour notre droit contre la violence de conquérans étrangers… L’Allemagne a supporté en silence dans les siècles passés de semblables atteintes à ses droits et à son honneur, elle les a supportées uniquement parce que dans sa division, elle ne savait pas combien elle était forte. » — Discours du roi de Prusse au Reichstag, 19 juillet 1870.