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des premières choses que l’on enseignait aux enfans ; on n’était point regardé comme bien élevé, si l’on n’en avait au moins quelque connaissance. Démosthène dut prendre là certaines notions, un sentiment du timbre, du rhythme et du ton, une délicatesse d’oreille dont ne pouvait se passer le futur orateur.

Quand Démosthène eut ses seize ans révolus, il entra, comme tous les fils de citoyens qui avaient atteint le même âge, dans ce que l’on peut nommer le collège des éphèbes. L’éphébie est la seule institution qui représente, à Athènes, ce que nous appelons l’instruction publique, c’est-à-dire une intervention de l’état dans le développement de l’individu, en vue de le préparer à bien remplir plus tard ses devoirs civiques. Dans des stèles qui ont été retrouvées en grand nombre à Athènes depuis une vingtaine d’années, nous avons des renseignemens curieux et variés sur l’éphébie athénienne[1] ; malheureusement les plus anciennes de ces inscriptions appartiennent à l’époque macédonienne, et la plupart sont du temps où la domination romaine s’était déjà étendue sur la Grèce. Toutes appartiennent donc à des siècles où Athènes, privée de toute indépendance réelle, de toute vie politique active et sérieuse, était devenue une vraie ville d’université, fréquentée tout à la fois par des étudians grecs et par des étudians romains, quelque chose comme l’Oxford de l’antiquité. Il est permis de croire que, sous l’influence de ces circonstances nouvelles, l’éphébie athénienne, où nous voyons alors inscrits des étrangers de tous pays, avait peu à peu changé de caractère. Chaque promotion, comme nous dirions, quand elle était arrivée au terme de ses travaux, faisait graver sur le marbre le nom des membres qui la composaient et celui des maîtres qui l’avaient formée ; en examinant ces listes et en complétant l’un par l’autre ces tableaux qui nous sont arrivés en général plus ou moins mutilés, on reconnaît que les exercices suivis en commun par les éphèbes comprenaient, vers le temps de l’empire, des cours de grammaire, de musique, de rhétorique et de philosophie. Nous avons tout lieu de penser qu’il en était autrement au Ve et au IVe siècle avant notre ère, alors qu’Athènes cherchait à faire des citoyens et non des savans. Laissant à l’initiative privée tout ce qui était instruction proprement dite et culture de l’esprit, la cité ne donnait aux jeunes gens dont elle prenait la charge, pendant deux

  1. M. Albert Dumont prépare un travail d’ensemble sur ces inscriptions éphébiques, qu’il est occupé en ce moment à collationner de nouveau à Athènes ; il a déjà donné, dans son Essai sur la chronologie des archontes athéniens postérieurs à la 122e olympiade, un exemple des services que peuvent nous rendre ces inscriptions pour compléter la connaissance très imparfaite que nous avons de la vie intérieure d’Athènes après la période classique.