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nuit. Le service public qui éclaire les rues est assimilé dans les États-Unis à cet autre service également payé par les contribuables et qui éclaire les intelligences.

Chez les Anglais, la nouvelle loi indique aux school boards trois manières de résoudre la difficulté en ce qui concerne les familles pauvres ; ils peuvent exempter l’enfant de la rétribution scolaire, payer pour lui, ou même dans certains cas spéciaux, quand les habitans du district sont incapables de subvenir aux frais de l’éducation, ouvrir, d’accord avec le gouvernement, des écoles gratuites. L’expérience a démontré que les deux premiers moyens étaient sujets à une foule d’inconvéniens. Il est extrêmement difficile de fixer les limites de l’indigence ; tel est aujourd’hui à même d’acquitter les droits de l’école, qui demain, par suite du chômage, du cas de maladie ou de tout autre revers de fortune, sera obligé d’abandonner ses enfans à la charité publique. Il est bien vrai que l’exemption des frais d’école n’est soumise à aucune indignité ; il n’en est point de cette immunité comme des secours de la paroisse, qui entraînent la perte des droits électoraux. Toutefois la déclaration de misère ne détruit-elle pas chez l’homme cette indépendance de caractère, ce respect de soi-même auquel les Anglais attachent tant de prix ? Beaucoup, en face d’un pareil aveu, aimeraient mieux par un faux orgueil priver leurs enfans des bienfaits de l’école. Cette distinction entre celui qui peut et celui qui ne peut point payer ne crée-t-elle point d’ailleurs deux catégories dans les classes ? Une sorte de flétrissure et d’humiliation atteint l’enfant lui-même dont les parens ont allégué l’excuse de leur pauvreté. Ces affronts que les jeunes élèves (cet âge est sans pitié) savent si bien s’infliger entre eux ne contribuent-ils point à affaiblir ce sentiment de dignité humaine que l’éducation doit au contraire développer ? Il y a encore une autre difficulté : les familles pauvres appartiennent à diverses sectes religieuses. La loi prescrit, il est vrai, que les parens seront libres de choisir et de désigner aux membres du school board l’institution qu’ils préfèrent : c’est très bien dans les endroits où il existe plusieurs écoles ; mais, s’il n’y en a qu’une, l’enfant subira nécessairement la peine de sa dissidence. On avait beaucoup compté sur une des clauses de la loi pour protéger la conscience des minorités ; cependant la liberté qu’elle accorde de se dérober durant certaines heures à l’enseignement religieux est à peu près illusoire, car un grand nombre de familles n’osent point la réclamer pour leurs fils. L’élève qui se tient ainsi à l’écart est d’ailleurs mal noté, sinon par l’instituteur, du moins par ses camarades, qui se croient meilleurs que lui parce qu’ils étudient un autre catéchisme. Le remède indiqué par les adversaires du présent système serait une école