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vraiment nationale, qui ne ferait aucune distinction entre les croyances, et ne tiendrait aucun compte des inégalités entre les conditions sociales. De toutes les formes de la charité, la meilleure est celle qui développe chez l’homme le pouvoir de s’aider lui-même. Eh bien ! l’éducation laïque et gratuite n’est-elle point l’instrument le plus efficace pour s’assurer un tel avantage ? Les américains n’en doutent point, les Anglais commencent à le croire. La Grande-Bretagne tient naturellement à conserver son rang parmi les nations civilisées ; elle sait très bien que sa force ne s’appuie ni sur l’armée ni même sur la marine, toutes braves qu’elles soient ; elle repose sur une autre base, l’industrie et le commerce. C’est donc à la classe moyenne et à la classe ouvrière qu’elle fait appel pour maintenir sa vieille gloire ; c’est à l’éducation qu’elle s’adresse pour cultiver chez l’une et chez l’autre les mâles vertus, l’honnêteté, la sobriété, le dévoûment, d’où dépend l’existence même du royaume-uni.

Le système volontaire avait été impuissant à résoudre le problème de l’instruction pour tous ; celui des écoles soutenues par les souscriptions locales, mais aidées en même temps par les fonds de l’entât, ne fut guère plus heureux. Après tant d’efforts trompés par le succès, la loi de 1870 atteindra-t-elle le but ? Il y a lieu d’en douter, si l’on tient compte de l’opposition qu’elle rencontre. Le 17 et 18 octobre 1 871 se tint à Manchester le troisième meeting annuel de la ligue d’éducation nationale. Les plus vives attaques y furent dirigées contre un essai dont le temps et la pratique avaient signalé l’insuffisance. Le principe de l’enseignement obligatoire est bien reconnu par la loi, mais l’application en est facultative ; elle dépend de la volonté des school boards, et comme ces conseils n’existent point partout, il en résulte la plus grande inégalité dans l’exercice du droit coercitif. Tel district force les enfans d’aller à l’école, tandis que tel autre échappe à toute surveillance. C’est surtout dans les campagnes que l’obligation serait nécessaire, et c’est là qu’elle est le moins en vigueur. La jeunesse des villes reçoit par ordre de l’autorité l’instruction primaire, tandis que la jeunesse rustique jouit de la fatale liberté de l’ignorance, cette mort de l’esprit. Les membres de la ligue voudraient un système d’impulsion générale qui embrassât tout le pays ; ils demandent aussi que l’état veille à ce que la pauvreté des familles ne soit point pour les enfans une cause d’exclusion. Selon eux, il n’y a que les écoles libres, accessibles à tous comme l’air et la lumière du soleil, qui puissent abaisser les obstacles à l’acquisition de la science. Ce n’est point pour le bien de telle ou telle famille, c’est pour le bien de la nation tout entière que les enfans doivent être instruits ; il faut donc que l’enseignement soit