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aux blancheurs de la tête et des épaules. Sa physionomie calme, ses yeux bleus tranquilles, ses traits fins, reposés et beaux encore, ses épaules et ses bras, dont les opulens contours sont adroitement noyés, se modèlent avec discrétion et suavité. La couleur est aussi discrète que le dessin. L’auteur excelle dans cet art de voiler à demi la nature, et d’envelopper d’un clair-obscur décent les défauts qu’il doit révéler sans vouloir en faire parade.

En ce genre-là, M. Jalabert est depuis longtemps considéré comme un maître. Nul ne possède plus que lui, parmi les peintres qui en font métier, l’art d’embellir à ses propres yeux une jolie femme, et de graduer la couleur de ses toiles au demi-jour des boudoirs. Ses tons sont agréables sans être brillans, son dessin facile sans paraître lâché. Il a une certaine sensiblerie courante, sans trop d’exagération ni de mignardise, dont la mesure convient à merveille à cet élégant public féminin où il aime à choisir ses modèles. Sous ce titre, le Réveil, il expose cette année une vignette assez banale, figurant une jeune femme en costume italien qui tire un enfant de son berceau. Son œuvre la plus sérieuse est le portrait de la maréchale Canrobert. On pourrait dire de ce tableau que c’est une romance en bleu et en gris-perle, destinée à être chantée dans un salon, mais un peu effacée sur ce grand théâtre d’une exposition publique. La jeune femme est en buste, de profil, la tête tournée presque de face, avec des aigrettes de plumes bleues dans la chevelure, un corsage orné de rubans bleus, et un manteau blanc négligemment jeté sur ses épaules. Son cou mince et légèrement penché, ses épaules un peu tombantes, soutiennent avec une certaine indolence son long et élégant visage, dont les formes un peu trop anguleuses sont peut-être trop amollies. L’ensemble est fort gracieux. Cette fois pourtant le modèle n’est pas flatté ; malgré sa bonne volonté bien connue, l’artiste n’a pu l’embellir.

M. Giacomotti est plus coloriste que M. Jalabert, mais il est moins habile et moins élégant. Dans son portrait de Mme  M. B…, il nous montre une jeune femme assise de profil, penchée en avant, les mains croisées sur ses genoux, et tournant la tête d’un mouvement brusque vers le spectateur, qu’elle regarde de côté avec un demi-sourire, d’un air moitié effarouché, moitié espiègle. Un manteau de velours noir flotte sur ses épaules ; des plumes de paon sont plantées dans ses cheveux blonds et frisés. L’ensemble est assez joli, mais d’une gentillesse un peu prétentieuse. La bouche est presque grimaçante à force de malice ; les plans des joues, assez vaguement modelés, aboutissent, on ne sait comment, à un menton légèrement pointu. Peut-être l’artiste avait-il quelque défaut à dissimuler dans ce jeune et aimable visage. Combien je préfère ceux qui ne