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dans les guichets des gares, dans quelques ateliers où se répare le matériel, aux barrières des passages à niveau, et elles s’acquittent aussi bien, sinon mieux que les hommes, de la tâche qui leur est confiée. Elles sont, pour un moindre salaire, aussi exactes et habiles, et peut-être plus attentives. La question du travail des femmes est l’une des plus graves de notre temps. Elle a fini par attirer la sollicitude émue des moralistes et même l’attention des économistes, que l’on croit généralement peu sensibles. Il est trop vrai que dans l’état social, tel que l’ont fait les lois modernes, les femmes n’ont point vu s’améliorer leur condition. Dans les villes surtout, les machines d’abord, puis les hommes, leur ont enlevé ou disputé une partie de leurs anciennes branches de travail, et, sauf de rares exceptions, elles n’ont profité que médiocrement de la hausse des salaires. Certains réformateurs politiques ou socialistes réclament pour elles les droits de citoyen ; il serait plus utile de leur trouver simplement de l’ouvrage. Sans nous arrêter sur ce problème qui est vraiment triste, nous ne pouvons que signaler avec empressement l’exemple que donnent les compagnies de chemins de fer en accueillant le concours des femmes. Cet exemple mérite d’être imité.

Il ne suffit pas de consulter les statistiques pour dénombrer le personnel qui obtient un emploi dans l’industrie des chemins de fer. A l’effectif de 138,000 personnes qui figurent sur les tableaux, il convient d’ajouter le chiffre plus considérable peut-être des ouvriers qui sont attachés aux industries accessoires, relèvent indirectement des voies ferrées et subsistent réellement par elles. Les gares sont des foyers de travail. Il s’y produit un continuel rayonnement, d’hommes et de marchandises qui se projette à toute heure dans chaque direction. Que deviendrait cette armée de travailleurs, si l’on en était réduit aux transports des diligences et de l’ancien roulage, et si les chemins de fer n’existaient pas ! Non-seulement les chemins de fer ont créé une foule d’industries qui ne vivent que par leur contact et qui fournissent la subsistance à de nombreuses familles, mais encore ils ont ressuscité, pour ainsi dire, les industries qu’ils semblaient avoir frappées de mort. Ainsi les voitures de correspondance et le camionnage emploient plus de postillons, de charretiers, d’ouvriers, que n’en occupaient les anciens modes de transport. Il est très difficile de risquer en pareille matière un chiffre approximatif ; cependant nous ne serions pas surpris que l’on dût évaluer à près d’un million le nombre des individus qui, soit directement, soit indirectement, vivent de l’industrie des chemins de fer.

La statistique du matériel qui circule sur les voies ferrées est intéressante à étudier en présence des plaintes très vives exprimées