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LES
MOEURS ELECTORALES
AUX ETATS-UNIS

La comédie politique n’est pas un genre de littérature populaire aux États-Unis, bien que les Américains tiennent de leurs pères, plus Irlandais qu’Anglais, un fonds de verve humoristique qui les dispose à rire tout aussi philosophiquement de leurs faiblesses que de celles d’autrui. Ce n’est pas non plus un sentiment de fausse susceptibilité nationale qui éloigne de la scène la satire politique, attendu que, satisfaits, et à bon droit, de leur prospérité sans pareille, ils font bon marché de ce qu’il peut y avoir d’incomplet dans les institutions à l’ombre desquelles ils l’ont acquise et développée. Si en Amérique la comédie politique ne vient pas frapper plus souvent à la porte du théâtre, c’est qu’elle se joue d’habitude dans la rue : les stump speeches (discours en plein vent), la barbicue (pique-nique électoral où pour son plat le candidat offre un bœuf rôti sur place), les processions politiques sont de véritables représentations théâtrales avec affiches, tréteaux, musique et comptes-rendus. Il en résulte que, lorsqu’un homme éminent a été livré aux sifflets de quelques millions de spectateurs et de quelques milliers de journaux, quand la foule et la presse l’ont déshabillé de la tête aux pieds pour lui chercher des plaies sur la poitrine, des meurtrissures sur le dos, le poète satirique a beau vouloir ne mettre en scène que les côtés plaisans de la victime, son public n’en regarde que les côtés saignans. L’auteur voulait amuser ses spectateurs, il les fait pleurer ou bâiller ; le squelette n’a pour eux rien d’émouvant, ils ont disséqué l’homme.

Pourtant le Rabagas de M. Sardou avait eu un devancier aux États-Unis : dès 1854 paraissait à New-York the School for politics. À cette époque, nous, avions parcouru la comédie de M. Gayarré