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énorme qu’elle puisse paraître au premier abord. Il faut désormais que la France se tienne prête à posséder toujours, pour le cas de guerre, un effectif de 1 million d’hommes, en tenant compte des divers élémens du problème, de nos ressources de population, des conditions économiques du pays, de nos traditions, de nos mœurs. Il est d’une nécessité absolue qu’un nouveau système de recrutement, qui puisse nous assurer un effectif de guerre de 1 million d’hommes, soit étudié, adopté, appliqué sans perdre de temps… Il faut s’appliquer à la révision de nos institutions militaires, promptement, de bon cœur, avec un zèle conciliant, car on a ici affaire au plus élevé des intérêts patriotiques… » Ainsi parlait-on ici même déjà au mois d’août 1866. Au lieu d’entrer dans cette voie résolument, on fit la loi de 1868, qui, au jour de la guerre que la plus imprévoyante politique avait rendue inévitable, nous a donné 200,000 hommes d’armée active sur le Rhin, des réserves sans consistance et sans instruction, une garde mobile qui ne savait pas même manier un fusil.

Aujourd’hui tout est à recommencer, et ce n’est plus seulement une affaire de prévoyance pour détourner un danger possible, lointain, c’est une nécessité impérieuse et absolue pour réparer des désastres qu’on n’a pas su éviter, qui sont devenus une effroyable réalité, quoiqu’on les crût invraisemblables. Les événemens les plus terribles ont montré, non pas la décadence individuelle du soldat français, qui est toujours resté le même avec ses qualités natives, mais l’insuffisance de notre organisation et de nos institutions militaires, qui au jour de l’épreuve ne se sont point trouvées à la hauteur d’une grande guerre. La question n’est donc plus de savoir s’il y a quelque chose à faire ; la vérité est que tout est à faire, et qu’il n’y a point un instant à perdre, si on ne veut pas que la France reste exposée à une abdication indéfinie. La question n’est pas non plus de marchander avec le principe inévitable d’une organisation nouvelle, avec le service personnel obligatoire. Ce principe, il nous est imposé par nos malheurs ; il est né en quelque sorte pour nous dans le sang de la dernière guerre, comme il est né autrefois pour la Prusse dans le sang d’Iéna. La vraie question est d’aborder enfin d’une façon efficace et pratique tous ces problèmes de reconstitution nationale, parmi lesquels le problème de la réorganisation militaire est devenu par la force des choses le plus impérieux et le plus pressant.

Là est la difficulté, là est le nœud de la situation. Oui, sans doute le service obligatoire est et doit être désormais le principe de notre organisation militaire. M. le président de la république, qui a été le dernier à se rendre et qui ne s’est peut-être rendu qu’à demi, a paru du moins se résigner. L’obligation du service personnel est inscrite au frontispice de la loi. Si elle ne trompe pas nos espérances, si elle est sérieusement appliquée, elle ne peut que fortifier l’armée en y introduisant des élé-