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conspirer, d’épier une occasion favorable pour se jeter sur le gouvernement de l’Hôtel de Ville en s’emparant de la révolution, c’est bien évident. Dans quelle mesure les affiliés de l’Internationale, les purs socialistes, se mêlaient-ils à ces premiers mouvemens ? Leur action est tout d’abord assez peu sensible. Assurément ils comptaient plus que jamais sur le triomphe prochain de la révolution sociale à laquelle ils aspiraient ; le 4 septembre ne leur suffisait pas, et M. Fribourg dit même dans sa déposition ce mot assez singulier : « les membres du gouvernement de la défense nationale appartenaient au gouvernement de 1848, et s’il y avait à Paris quelque chose qui fût anti-populaire, c’étaient les gens de 1848, on n’en voulait à aucun prix… » Le secrétaire de l’Internationale française à Londres écrivait de son côté dès le 7 septembre : « La piteuse fin du Soulouque impérial nous amène au pouvoir les Favre, les Gambetta ; rien, n’est changé, et la puissance est toujours à la bourgeoisie. Dans ces circonstances, le rôle des ouvriers ou plutôt leur devoir est de laisser cette vermine bourgeoise faire la paix avec les Prussiens. » Au demeurant, les internationaux, les socialistes, étaient un peu effacés dans les commencemens ; ils se réservaient encore, ils entraient dans la garde nationale, dans les comités de vigilance, ils prenaient des positions de sûreté, ils n’agissaient pas ostensiblement. Les partis révolutionnaires désignés sous le nom de jacobins, d’hébertistes, ceux qui marchaient à la suite des Blanqui, des Delescluze, des Félix Pyat, des Gustave Flourens, étaient plus impatiens ; c’étaient des politiques, des dictateurs en disponibilité, pressés de mettre la main sur le pouvoir et disposés à se servir de toutes les émotions du siège, de tous les accidens qui pouvaient remuer ou attrister l’opinion. Ils avaient un mot d’ordre tout trouvé : la commune révolutionnaire ! la commune de Paris ! mot d’autant plus puissant que la plupart de ceux qui le répétaient ne le comprenaient pas. Avec ce mot mystérieux et magique, on espérait un jour ou l’autre avoir son tour de règne à l’Hôtel de Ville, et on ne négligeait rien pour fomenter les passions de guerre civile, pour multiplier les manifestations, les tentatives, jusqu’au 31 octobre, qui fut le coup décisif et manqué. Or en présence de cette agitation permanente, quelle était la politique du gouvernement de la défense nationale ?

Ce malheureux gouvernement, pendant cinq mois, s’est fait une vertu de ce qui était peut-être pour lui une nécessité cruelle, et, comme tous les pouvoirs de révolution, il a fait de ses oscillations, de ses faiblesses, de ses tiraillemens intérieurs, un système politique. Il était et il voulait rester un gouvernement d’opinion. Il tenait, c’était son honneur, à ne pas livrer Paris, l’indépendance nationale, la sécurité sociale à la sédition avilissante devant l’ennemi,