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lousie politique que les souvenirs récens de la guerre de Crimée expliquaient dans une certaine mesure. L’année d’après, la compagnie se procurait une nouvelle somme de 55 millions de roubles en émettant des obligations avec un intérêt de 4 1/2 pour 100, remboursables sans prime. La rente de l’argent n’était pas chère. Par malheur, il y eut, comme partout, des mécomptes dans les prévisions de dépenses, la main-d’œuvre s’était enchérie; le taux du change sur l’étranger s’élevait, l’administration imposait à la compagnie des travaux onéreux qui n’étaient pas indispensables ou qui auraient pu être ajournés. Le gouvernement contractait lui-même un assez gros emprunt, dont la conséquence immédiate était de faire monter à plus de 5 pour 100 le loyer des capitaux. La grande société dut réclamer la révision de son contrat primitif. Le gouvernement profita de cette occasion, au dire de M. Collignon, pour enlever à la compagnie l’indépendance dont elle avait joui jusqu’alors. On lui imposait un certain nombre d’administrateurs nommés par l’état, en même temps qu’on lui retirait les lignes de Moscou à Théodosie et de Koursk à Libau, dont les travaux étaient à peine commencés. Une grande association financière était, paraît-il, chose si nouvelle en Russie que l’administration s’en effrayait, craignant que ce ne fût pas un instrument assez docile.

Quelques autres chemins de fer furent encore exécutés en diverses provinces de l’empire, soit par l’état, soit par des particuliers, tels que de Riga à Dunabourg, d’Odessa au Dniester et du Don au Volga, dans l’étroit espace qui sépare ces deux fleuves, près de Tsaritsin. Après ces petits embranchemens, auxquels suffisait l’initiative locale, le gouvernement voulut tracer des lignes plus importantes; mais l’état des finances publiques, aussi bien que les habitudes autocratiques de la bureaucratie, le rendaient incapable de poursuivre de si grands travaux. Ses procédés arbitraires n’étaient pas faits pour encourager les hommes d’affaires étrangers. Quelques tentatives malheureuses lui apprirent qu’il convient d’être moins arrogant envers les compagnies financières. D’un excès de sévérité, il passa presque sans transition à une tolérance extrême. On vit alors surgir une foule d’entreprises de chemins de fer, mal tracés, plus mal établis, qu’il faudra rectifier ou reconstruire plus tard. Il y a là sans aucun doute un certain gaspillage de la fortune publique ou privée ; par compensation, on peut dire que le pays y fait son éducation industrielle.

Ce second réseau, construit avec trop de hâte et d’économie, comprend notamment les lignes de Varsovie à Moscou par Minsk et Smolensk, de Moscou à Saratof et Tsaritsin, sur le Volga, de Mos-