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calme, si simple et si pure. Il resta longtemps sans parler, puis il dit à mi-voix : — Je l’aime.

— Alexandre !

— Que veux-tu ? Je n’y puis rien.

— Toi, un homme supérieur ! Et comme cela, sans crier gare !

— L’amour vrai naît du premier regard qu’échangent deux âmes, ou jamais…

— Un pareil amour n’est qu’une passion des sens.

— D’accord. C’est la base de toute affection profonde, hors de là pas d’amour, pas de bonheur ! mais il ne faut pas en rester là… Pardonne-moi, je crois que je dis des bêtises… Je ne suis pas en veine de philosopher ce soir,

Il se leva, et à son insu peut-être reprit le chemin du village, poussé par cette force mystérieuse qui domine la volonté. Je le suivis. Il faisait nuit noire ; de rares étoiles brillaient dans les éclaircies des nuages blancs. Le comte fit le tour de la ferme et s’arrêta devant la haie, les coudes appuyés sur un des poteaux qui soutenaient la claire-voie. Quelqu’un sentait peut-être sa présence, car les notes d’une chanson bien connue arrivèrent jusqu’à nous :

Ne va point chez les fileuses…

La fenêtre de la chaumière s’éclaira tout à coup d’un reflet de feu qui grandissait rapidement, et dans la lueur rouge nous vîmes Marcella debout devant l’âtre ; elle ajoutait de la paille et jetait des herbes dans une marmite qui était sur le feu. Son beau visage avait une expression fatidique, et elle disait à voix haute des paroles sans suite, moitié refrains d’enfans, moitié formules magiques. — La vois-tu ? murmura le comte.

— Que fait-elle donc ?

— C’est une incantation.

— Et à l’adresse de qui ?

Le comte garda le silence, et Marcella, comme pour me répondre, continuait sa chanson.

Si tu vois monter la flamme,
C’est trop tard pour toi :
La vidma t’a pris ton âme,
Tu subis sa loi.

— Et tu as du poison dans les veines, ajouta le comte.

— Que veux-tu dire ?

— Le dénoûment est tragique ; elle finit par l’empoisonner, la sorcière, par jalousie, je crois. C’est un avertissement. J’avoue que ces choses m’émeuvent ; mais la volonté peut forcer le destin.