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l’on espère que le 1er mars le pays, moralement et matériellement pacifié, sera enfin rentré dans des conditions normales et dans une période d’organisation stable.


IV.

Il y a désormais, on peut le dire, un équilibre de l’Amérique méridionale. Dans cet équilibre, le Brésil, qui par ses institutions est le pays le moins livré aux agitations et aux cataclysmes politiques, tient une place très considérable, que nul ne pourrait lui contester. L’existence de cette grande monarchie libérale et constitutionnelle doit être pour les états voisins une garantie et nullement une menace. La différence entre la forme des gouvernemens n’est point un obstacle à l’accord. Le Brésil ne songe pas plus à imposer la forme monarchique aux républiques dont il est entouré que ces républiques ne songent à faire prévaloir la forme républicaine sur une terre monarchique par tradition et par essence. Qu’importe d’ailleurs cette différence entre les noms, si dans le fond des choses il existe de réelles analogies, si les institutions sont de part et d’autre libérales, parlementaires, modernes? N’a-t-on pas vu parfois des républiques moins républicaines que certaines monarchies? Le Paraguay, sous la dictature de Francia et des deux Lopez, s’appelait république, mais y eut-il jamais roi ou empereur aussi absolu que le chef de cette contrée? Qu’importe que le Brésil soit un empire, s’il jouit de la liberté au dedans et s’il respecte au dehors les droits de ses voisins? Il faut conseiller au Brésil une politique de modération et de calme dans la force, à la confédération argentine et à l’Uruguay une attitude prudente, correcte, amicale, qui permette une entente durable avec le cabinet de Rio. Si le gouvernement brésilien, dans ses rapports avec l’ensemble des républiques de l’Amérique méridionale, est intéressé à se montrer éloigné de toute tentative d’hégémonie ou de suprématie abusive, s’il doit éviter d’intervenir dans les querelles intérieures de pays qui restent les arbitres de leurs propres destinées, — de leur côté, ces pays ont tout intérêt à s’abstenir d’impuissantes bravades, de récriminations passionnées. Avec un peu de bon vouloir et de sagesse de part et d’autre, les malentendus se dissiperont, et la discorde ne se glissera pas dans les rangs des vainqueurs de Lopez, Ils ne doivent oublier ni la solidarité qui s’était établie entre eux malgré d’anciens dissentimens, ni les efforts et les sacrifices qu’ils firent en commun pour mener à bonne fin l’une des guerres les plus opiniâtres dont l’histoire garde le souvenir.

Aujourd’hui, nous le répétons, le point important, essentiel, pour