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le Brésil comme pour les états de la Plata, c’est le maintien de la paix, — de la paix, qui peut seule fermer les blessures d’une lutte longue et sanglante, ranimer l’essor de l’agriculture, du commerce, de l’industrie, peupler les solitudes, dessécher les marais, creuser les canaux, exploiter les mines, créer les routes et les chemins de fer, utiliser les admirables ressources de contrées où la nature est plus grandiose que sur aucun autre point du globe. Des querelles diplomatiques, des luttes intestines, des scènes sanglantes de guerre civile, des rivalités d’états à états, des progrès précaires, toujours à la merci de nouvelles commotions, telle a été trop longtemps l’histoire de ces jeunes républiques, où pourtant la vitalité se fait si bien sentir qu’il suffit de quelques mois de paix pour relever la confiance et imprimer un essor surprenant à la prospérité matérielle et au développement des intérêts. Ces divisions de partis, de villes, de systèmes opposés, se disputant une prépondérance éphémère, ces guerres civiles passées à l’état endémique, ces duels interminables entre fédéralistes et unitaires dans la confédération argentine, entre blancos et colorados dans la république de l’Uruguay, ce perpétuel imbroglio d’affaires mêlées les unes aux autres par la connexité des questions et par la contiguïté des territoires, tout cela n’a que trop duré dans le bassin de la Plata, L’heure approche-t-elle où l’on verra enfin succéder à l’agitation le calme, aux coups d’état la légalité, à la politique factice et stérile la politique réelle, la politique féconde, celle qui a pour but de favoriser les deux principes qui font la force des sociétés modernes : le travail et la liberté?

La liberté ! c’est elle aussi qui doit mettre fin à ces contestations ardentes, à ces luttes d’ambitions ayant pour objectif le cours de la Plata et de ses principaux affluens, la Parana, le Paraguay, l’Uruguay. Ces magnifiques cours d’eau, qui devraient être les auxiliaires les plus puissans de la civilisation, n’ont été que trop longtemps des prétextes de guerres et de discordes. Il faut les voir redevenir ce que la nature les a faits, des traits d’union entre les peuples, des promoteurs de prospérité morale et matérielle. Cet immense bassin fluvial, dont le Rio de la Plata est en quelque sorte le couronnement, et où dégorgent sans cesse, sur un parcours de plus de 500 lieues, d’innombrables cours d’eau, affluens secondaires ou rivières égales à des fleuves, ne semble-t-il pas appeler les laboureurs et les colons? L’avenir de l’Amérique méridionale n’est-il pas dans la liberté de ces deux fleuves gigantesques, qui pénètrent les profondeurs de son continent, l’Amazone et le Rio de la Plata? Sur les bords aujourd’hui déserts de ces deux grandes voies de navigation, ne verra-t-on pas bientôt les populations se grouper, les villes se construire,