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croissant en durée. Tandis que dans les anciennes sociétés l’agriculture et l’industrie elle-même n’exigeaient qu’une faible application de capital, tandis qu’une seule récolte suffisait le plus souvent à rembourser le laboureur de ses avances, de nos jours, grâce aux progrès qui ont renouvelé et augmenté successivement le matériel de la production, le capital a pris un rôle de plus en plus considérable dans toutes les branches de l’activité humaine. Le seul capital placé dans les chemins de fer de la France dépasse actuellement le chiffre de 25 milliards, et, si nous voulions évaluer l’ensemble des capitaux qui alimentent la production française, c’est par centaines de milliards que nous devrions compter; mais ces capitaux, engagés généralement pour un temps indéfini, ont besoin aussi d’une sécurité indéfinie, et ce besoin s’accroît encore par le fait qu’ils sont fournis en grande partie par le crédit, et qu’ils se renouvellent incessamment au moyen de l’échange. Dans les anciennes sociétés, chaque famille, avec ses serviteurs, esclaves ou serfs, produisait à peu près toutes les choses dont elle avait besoin sur ses propres terres et avec ses propres capitaux, en n’échangeant que la plus faible portion de ses produits contre des articles provenant d’autres sols et d’autres climats; aujourd’hui on ne possède plus guère que par exception la totalité de ses moyens de production, et d’un autre côté, dans le plus grand nombre des industries, on ne consomme rien ou presque rien de ce que l’on produit. Divisée en une multitude de branches qui vont chaque jour se subdivisant encore, la production exige, comme règle, le concours du crédit et de l’échange. Si dans l’industrie agricole il y a des paysans propriétaires qui exploitent eux-mêmes leur lopin de terre et qui consomment eux-mêmes aussi une partie des produits qu’ils en tirent, la plupart des grandes et des moyennes propriétés sont affermées, le capital d’exploitation appartient au fermier ou est emprunté par lui, le travail est loué, et les produits sont en presque totalité vendus. Dans les entreprises industrielles, le capital fixe est réuni le plus souvent par voie d’association, soit qu’il s’agisse de simples partnerships ou de vastes sociétés anonymes, le capital roulant est en plus grande partie encore fourni par le crédit, et c’est par le moyen de l’échange que toutes ces entreprises réalisent les résultats de leur production. Le cultivateur échange son blé, son vin ou son bétail, le manufacturier ses fils ou ses tissus par l’intermédiaire du commerce, qui se charge de mettre toute sorte de produits à la disposition du consommateur, en tout temps, en toutes quantités et en tous lieux, soit à l’intérieur du pays, soit au dehors et jusqu’aux extrémités du globe.