qu’il n’aille pas au-delà. S’il veut inspecter, on réclame la liberté religieuse ; s’il veut introduire l’obligation scolaire, on revendique la liberté du père de famille. On a le droit d’être surpris que dans la seconde moitié du XIXe siècle il soit encore nécessaire de défendre l’instruction obligatoire ; c’est qu’on prêche des gens qui ne veulent pas entendre. Les partisans de l’obligation ont beau répéter à satiété que le père pourra envoyer l’enfant dans l’école de son choix, ou l’instruire lui-même, et qu’on ne lui impose qu’une chose, c’est de ne pas laisser l’enfant croupir dans l’ignorance ; leurs adversaires affectent toujours de confondre l’obligation de l’instruction avec l’obligation de fréquenter une école déterminée. M. de Laveleye sait poursuivre ses adversaires jusque dans leurs derniers retranchemens ; il les y accable d’argumens, mais, nous craignons bien, sans les faire capituler. Il démontre successivement que l’obligation est juste, qu’elle est utile, qu’elle est applicable. Nous craindrions d’affaiblir son argumentation en la résumant, car tout porte, tout contribue à donner de la solidité au raisonnement. Aussi nous bornerons-nous à citer une simple note, une impression de voyage, que M. de Laveleye nous communique pour ainsi dire en passant.
Après avoir dit que la plupart des auteurs de traités de droit naturel ont admis que les parens doivent non-seulement nourrir, mais encore instruire leurs enfans, les alimens étant aussi indispensables à l’esprit qu’au corps, il ajoute ce qui suit : « Un jour j’entendis un mot qui fit pénétrer jusqu’au fond de mon cœur la force de cet argument. En descendant dans l’Engadine par le col de Feneta, je rencontrai une femme du village de Süss, où je me rendais, et je cheminai avec elle. Je lui parlai de ses enfans et lui demandai s’ils allaient à l’école. — Mais ils y sont tous obligés, me dit-elle. N’en est-il pas de même chez vous? — Quand je lui répondis que non, son étonnement fut grand. — Comment se peut-il, reprit-elle, qu’il y ait au monde des pays où des parens puissent commettre impunément le crime de ne pas instruire leurs enfans ? — En parcourant ensuite la haute vallée de l’Inn, j’admirai ces beaux villages si prospères dans une région que la neige couvre pendant six mois, et dont le climat est celui du Cap-Nord; mais je comprenais comment tant de bien-être peut se rencontrer sous un ciel si rude. L’instruction avait fait ici le miracle qu’elle fait partout. »
La gratuité de l’enseignement, que l’auteur examine dans le chapitre suivant, ne porte pas avec elle une évidence aussi, grande que l’obligation. On sait ce que l’on entend par gratuité de l’enseignement : c’est la suppression de la rétribution scolaire. L’instituteur doit toujours être payé ; mais au lieu de l’être à tant par enfant, il l’est à forfait, et la dépense est imputable sur l’ensemble des revenus de la caisse municipale. Dans la pratique, le traitement de l’instituteur est généralement fixe, et il est payé par le receveur communal ; seulement le receveur