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de ce village ont été lézardées, quelques-unes même renversées, et les chemins se sont trouvés encombrés par les débris des murs de clôture avoisinans. La population de Serreta et de quelques autres villages de la région occidentale de l’île avait quitté ses habitations dès le commencement du mois de mai, et campait dans les jardins, sous des tentes. Chaque secousse débutait par un choc vertical de bas en haut, comme si, dans les profondeurs de la terre, une impulsion brusque venait frapper subitement la face profonde des couches superficielles du sol. Ce mouvement vertical presque instantané était suivi immédiatement d’un mouvement oscillatoire horizontal beaucoup plus prolongé, dirigé sensiblement du nord-ouest au sud-est. Chaque jour, les habitans des villages menacés se réunissaient devant la porte des églises, et toutes les fois qu’une secousse nouvelle avait lieu, une scène de frayeur, toujours la même, se reproduisait. Au début de la commotion, la sensation du choc vertical arrachait un cri simultané de toutes les poitrines, puis un silence complet, durant lequel on respirait à peine, régnait pendant tout le temps de l’oscillation horizontale consécutive. Les huit ou dix secondes que durait cette scène d’angoisse semblaient pour chacun se prolonger bien au-delà de leur durée réelle.

La secousse la plus énergique avait eu lieu le 1er juin à huit heures du matin; elle avait déterminé la chute de plusieurs pans de murailles et fortement endommagé la plupart des constructions jusque-là restées intactes. Des fentes s’étaient produites sur le bord des ravins, et des blocs de rochers, détachés des hauteurs de la montagne de Santa-Barbara, qui domine la côte ouest de l’île, avaient roulé avec fracas sur les pentes. On évalue à quatre-vingts le nombre des maisons ruinées ce jour-là dans le village de Serreta. L’abandon général des habitations avait empêché que l’on n’eût d’accidens mortels à déplorer; quelques personnes seulement avaient reçu des blessures légères.

Tout à coup, dans la nuit du 1er au 2 juin, huit détonations très fortes, semblables à des décharges d’artillerie, se font entendre dans un court intervalle de temps, et le matin du 2 juin, à la pointe du jour, on voit les premiers signes de l’éruption. La mer présente, sur une grande étendue, une coloration d’un vert jaunâtre, et à une distance d’environ 3 milles de la côte on distingue un bouillonnement intermittent, qui d’abord est faible et ne se manifeste qu’à de longs intervalles, mais qui, s’accroissant peu à peu, atteint son maximum le 5 juin. Le 2 juin, vers neuf heures du soir, on avait vu, trois fois dans l’intervalle d’un quart d’heure, l’eau s’élever à une grande hauteur sous la forme d’un jet vertical, en un point situé entre la côte de Terceire et l’endroit principal du bouillonne-