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ment observé pendant la journée. Les jours suivans, le même phénomène se reproduit un grand nombre de fois en se développant. Le 5 juin, on peut observer simultanément six ou sept énormes colonnes composées d’eau chaude et de vapeur d’eau, jaillissant avec impétuosité au-dessus du niveau de la mer et ne se courbant par l’action du vent qu’à une hauteur de plusieurs centaines de mètres, en offrant l’aspect d’un épais nuage de fumées blanches. Ces puissantes émissions de vapeur et d’eau chaude sont accompagnées de projections nombreuses de scories noirâtres, dont la coloration foncée tranche nettement sur la blancheur éclatante des jets aquifères. Quelques blocs de scories ainsi lancés paraissent posséder exceptionnellement un volume de plusieurs mètres cubes; le volume de la plupart des fragmens semble ne pas dépasser la grosseur du poing. Ceux qui se trouvent engagés au milieu d’une colonne de vapeur montent ordinairement fort haut sous l’impulsion des fluides élastiques qui les enveloppent ; mais ceux que l’on voit apparaître sur le pourtour d’un jet s’écartent obliquement en décrivant une courbe peu étendue au-dessus de la surface de l’eau, dessinant une sorte de couronne au pied du jet vertical qu’ils entourent.

L’emplacement de ces phénomènes grandioses n’était pas absolument fixe, la sortie des vapeurs sous la forme d’une colonne blanchâtre se faisait tantôt en un point, tantôt en un autre, mais toujours dans un espace elliptique limité, d’environ 5 kilomètres de longueur et de 1 kilomètre de largeur. Le grand axe de cette ellipse était dirigé sensiblement de l’est 10° nord à l’ouest 10° sud, et quelquefois tous les jets se montraient en même temps, distribués sur cette ligne à des distances inégales les unes des autres. Les plus considérables, qui étaient aussi les plus impétueux, étaient ceux dont la position semblait le moins varier. La situation du jet principal correspondait sensiblement à l’emplacement où l’on avait observé le 2 juin les premiers bouillonnemens de la mer. Des sifflemens aigus, des détonations terribles comparables aux éclats de la foudre et redoublés par les échos des falaises de la côte accompagnaient la formation des jets de vapeur et l’expulsion des scories. A une distance de plus de 10 milles, l’eau de la mer était colorée de teintes disperses, vertes, jaunes, rouges, dues à la présence de sels de fer en dissolution. L’odeur pénétrante de l’acide sulfhydrique était très prononcée, et, s’il est vrai, comme l’affirment les gens du pays, que l’on ait vu surnager à la surface de la mer du soufre sous la forme d’un précipité blanc jaunâtre, il faudrait attribuer ce fait à la décomposition du gaz sulfhydrique au contact de l’air. Du reste nulle trace de flammes, nulle incandescence, et dans l’obscurité de la nuit le fracas des explosions pouvait seul révéler l’existence de l’éruption.