Page:Revue des Deux Mondes - 1873 - tome 103.djvu/525

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

le système de la transportation. A quelques lieues de l’endroit où débarquèrent en 1788 les premiers transportés anglais s’élève aujourd’hui Sydney, capitale de la Nouvelle-Galles du sud, qui compte 500,000 habitans. C’est là, dit-on, un des résultats de la politique hardie qui a poussé l’Angleterre à jeter ses malfaiteurs au milieu d’un désert sans trop s’inquiéter de ce qu’ils pourraient y devenir. Cependant en 1831 M. de Tocqueville était d’avis que le système de la transportation était aussi mal approprié à la formation d’une colonie qu’à la répression des crimes de la métropole. A l’appui de cette opinion, il faisait un tableau des désordres et des misères qui s’attachent au berceau de toute colonie pénale, il montrait les résistances qui ne tardent pas à se développer au sein de la colonie contre le système de la transportation, et les funestes divisions de classes, les ressentimens et les haines qui sont le résultat de l’application de ce système. Cette argumentation a trouvé en Angleterre même plus d’un partisan. « Veut-on se convaincre que les colonies australiennes se fussent aisément passées du secours de la transportation ? Qu’on regarde en Amérique la colonie du Canada, en Australie les colonies de Victoria et de Queensland : jamais un condamné n’a touché le sol de ces colonies ; peut-on dire que leur développement ait été moins rapide et moins brillant ? » Tel est encore aujourd’hui le raisonnement de beaucoup d’Anglais éclairés. C’est sans doute aller trop loin ; en admettant que la transportation n’ait rien fait que n’eût pu accomplir cinquante ans plus tard l’émigration volontaire, on ne saurait méconnaître qu’elle a eu tout au moins le mérite de hâter l’arrivée des véritables colons en leur montrant et en leur préparant le chemin. Néanmoins, tout en lui rendant cette justice, on aurait tort d’oublier ce qu’elle a coûté à l’Angleterre de sacrifices, d’inquiétudes et de cruelles déceptions. Pendant plus de vingt ans, les premiers gouverneurs de la Nouvelle-Galles du sud se sont épuisés à empêcher les transportés de mourir de faim ; ceux-ci, soit par paresse, soit, suivant l’expression de M. de Tocqueville, pour tromper les espérances de la société qui les avait frappés, refusaient de travailler et de semer le grain qui devait les nourrir. L’histoire des débuts de la colonie ne parle que de complots, de tentatives de révolte, de désordres de toute nature. Après vingt ans écoulés, en 1808, la Nouvelle-Galles du sud ne comptait que 10,500 habitans ; 7,000 n’avaient point encore achevé de subir leur peine, les autres étaient presque tous d’anciens condamnés ; le trésor public était obligé de pourvoir à la nourriture de 4,000 de ces condamnés, incapables de se suffire à eux-mêmes. Dix ans plus tard, en 1819, la population ne se composait encore que de 29,000 habitans ; de 1788 à 1819, le gouvernement anglais avait dépensé dans la colonie 5,301,623 livres sterling ou environ