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133,600,000 francs. N’y a-t-il pas, dans le simple rapprochement de ces chiffres, de quoi calmer bien des impatiences et dissiper plus d’une illusion sur ce qu’on peut attendre, au bout de quelques années, de la fondation d’une colonie pénale ?

Que serait aujourd’hui l’Australie, si la découverte des immenses prairies qui s’étendent au-delà des Montagnes-Bleues n’avait inspiré à quelques colons anglais la hardiesse d’aller s’établir au milieu d’une population presque entièrement formée d’anciens malfaiteurs ? Le gouvernement de la colonie eut la sagesse de leur concéder de vastes étendues de terre et de mettre à leur disposition le travail des condamnés. De grandes fortunes se firent rapidement par l’élevage des troupeaux de bœufs et de moutons ; d’anciens libérés devinrent à leur tour propriétaires ; la prospérité de la colonie ne cessa de grandir, et peu à peu le trésor anglais se trouva déchargé du fardeau énorme qui avait pesé sur lui pendant les premières années. Alors commencèrent à s’élever des plaintes et des résistances contre le système de transportation. Après avoir tant dépensé d’argent et d’efforts pour la création de la nouvelle colonie, l’Angleterre s’étonna d’abord qu’on lui demandât de renoncer à y envoyer chaque année quelques milliers de ses malfaiteurs les plus dangereux ; n’était-ce pas uniquement en vue de sa sécurité que la Nouvelle-Galles du sud avait été fondée ? Pourtant on ne tarda pas à comprendre, même en Angleterre, qu’une colonie arrivée au point de se soutenir par ses propres forces et d’attirer dans son sein un large courant d’émigration volontaire ne peut se résigner longtemps à être le réceptacle des vices de la métropole. Les hommes qui dans la colonie ont intérêt à se servir du travail des condamnés sont naturellement moins nombreux que la masse des travailleurs libres, artisans et ouvriers de toute espèce ; or, aux yeux de ces derniers, l’accroissement régulier du nombre des transportés ne peut être qu’une cause permanente d’abaissement des salaires ; il se forme donc peu à peu un courant d’opinions et d’intérêts hostiles au maintien de la transportation.

Tandis que la Nouvelle-Galles du sud faisait entendre ses premières réclamations, on se demandait en Angleterre si la transportation avait eu, au point de vue purement pénal, les avantages qu’on en espérait. Le nombre des crimes n’avait cessé depuis le commencement du siècle d’augmenter en Angleterre ; en 1812, on avait condamné à la transportation 662 malfaiteurs ; en 1819, leur nombre s’élevait à plus de 3,000 ; en 1829, il avait atteint 4,500. Depuis que l’émigration volontaire avait pris le chemin de l’Australie, et que, grâce à l’arrivée des nouveaux pionniers, de rapides fortunes s’étaient faites à la Nouvelle-Galles, les condamnés anglais s’étaient habitués à ne plus considérer la transportation que comme