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drait rester stationnaire, et, quand à force de patience et d’habileté les bateliers parviennent à vaincre cette difficulté, le mouvement des flots rend encore très pénible la fonction de l’opérateur, qui doit maintenir son appareil plongé sous l’eau, dans une position à peu près fixe. Fréquemment, lorsque la besogne semble sur le point d’être terminée et que l’on se félicite déjà de pouvoir bientôt quitter la position fatigante que l’on est obligé de garder, arrive une grosse vague qui soulève brusquement l’embarcation; l’entonnoir sort de l’eau, l’air atmosphérique y pénètre, s’y mélange au gaz recueilli, et le travail fait est à recommencer. Quand il faut fermer les fioles au feu du chalumeau, la peine n’est pas moindre; la lumière éclatante du jour empêche de voir la flamme, le vent la fait vaciller et souvent l’éteint. Une lanterne de forme spéciale est presque nécessaire pour permettre de fondre la pointe de verre effilée que l’on veut clore; encore faut-il dans la plupart des cas s’accroupir au fond de la barque, sous une grande couverture, pour être à l’abri des coups de vent.

Quelques tubes gradués de construction simple et un petit nombre de réactifs permettent de se rendre compte immédiatement de la composition qualitative du mélange gazeux. En général, ces mélanges recueillis dans l’eau, autour des volcans, sont d’autant plus complexes et d’autant plus riches en hydrogène qu’ils proviennent de points où l’action volcanique est plus intense. C’est notamment ce que les gaz pris à Terceire ont offert de plus saillant. La présence de l’hydrogène libre ou de ses composés les plus simples dans les produits gazeux d’une telle origine est un fait digne du plus haut intérêt. N’est-il pas merveilleux de voir ce gaz, le plus léger de tous les corps connus, sortir des profondeurs du sol? Quelle force puissante l’y a enfermé? Quelle action moléculaire y a présidé à la naissance de ce corps? Les propriétés chimiques de l’hydrogène le placent à la tête des métaux, à côté du mercure et du platine, dont il s’éloigne tant par ses qualités physiques. Le fait que des gisemens d’hydrogène existent, comme ceux des métaux proprement dits, dans les entrailles de la terre, fait qui est mis en évidence par ces dégagemens gazeux sous-marins, vient ici confirmer les inductions hardies des chimistes; il tend aussi à établir une certaine relation entre la constitution du globe terrestre et celle du soleil, qui, d’après les découvertes spectroscopiques, est un immense réservoir d’hydrogène. De pareils rapprochemens dépassent sans doute la portée du fait minime où l’imagination en puise la source; mais, quelle qu’en soit la valeur absolue, ils ne doivent pas être dédaignés, car ils ont au moins le mérite certain de provoquer toute une suite d’expériences et d’observations nécessaires pour en vérifier ou pour en infirmer l’exactitude.