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sociétés de patronage qu’il n’est pas arrivé une seule fois qu’un libéré ait vainement frappé à leur porte. Quant à ceux qui, au sortir de la prison, voudraient, à l’ombre des grandes villes, reprendre leurs anciennes habitudes de paresse et ne chercher que dans le crime leurs moyens d’existence, faut-il s’étonner que la loi les abandonne aux justes rigueurs d’une surveillance exercée par la police sous le contrôle des magistrats ? Jusqu’en 1864, le gouvernement anglais avait éprouvé une sorte de répugnance à user contre les malfaiteurs libérés à titre provisoire des pouvoirs que les lois de 1853 et de 1857 mettaient entre ses mains. On craignait, surtout à l’époque où il n’existait pas de sociétés de patronage, de diminuer par une surveillance, même exercée discrètement, les chances qu’avaient les libérés de trouver du travail ; mais l’abstention du gouvernement tenait encore à des scrupules très honorables et fort en harmonie avec les idées que les Anglais se font des droits du pouvoir exécutif et du respect dû à la liberté individuelle. Renvoyer un malfaiteur en prison, sur un rapport de la police, sans jugement, sans enquête contradictoire, avait paru une mesure trop dangereuse pour qu’aucun ministre voulût en charger sa responsabilité. C’est ce qu’expliquait en 1863 devant le comité d’enquête M. Waddingfon, sous-secrétaire d’état du ministère de l’intérieur. « Le retrait d’une licence, disait-il, est une condamnation beaucoup plus sévère que la plupart de celles que prononcent les magistrats tous les jours. Cependant la loi qui a organisé le système des licences n’a rien ordonné pour qu’avant la révocation de ces licences une enquête eût lieu devant un magistrat, ou pour que le condamné pût être au moins entendu, et c’est, je crois, à cette lacune que doit être attribué le refus des divers ministres qui se sont succédé d’exécuter la loi, sauf dans des cas tout à fait exceptionnels. » Le parlement a tenu compte de ces observations : en même temps qu’il inscrivait dans la loi de 1864 l’obligation pour tout libéré dont la peine n’est pas encore expirée de se présenter tous les mois devant le chef de la police et d’indiquer ses changemens de résidence, il décida qu’en cas d’infraction le libéré serait conduit devant un magistrat et interrogé publiquement, et qu’ainsi une décision judiciaire précéderait toujours la révocation de la liberté provisoire.

Nous n’avons pas à rechercher ici comment la surveillance a été pratiquée dans les divers pays du continent ; mais telle que nous l’avons vue organisée en Angleterre, servant de complément et en quelque sorte d’auxiliaire au patronage, nous n’hésitons pas à la considérer pomme utile et nécessaire. C’est une arme délicate à manier, mais indispensable au sein d’une société où le crime n’a pas encore cessé d’être, pour beaucoup de malfaiteurs, une habitude