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et une profession. Nous avons peine à comprendre et nous ne pouvons aucunement partager l’indignation qu’éprouve M. Michaux à la vue de la loi anglaise de 1864. « C’en était fait, dit-il, la surveillance avait franchi le détroit. La peur lui sacrifiait un des plus vieux et des plus respectés principes constitutionnels… Ce qu’on appelle la civilisation fait volontiers ce travail de nivellement qui uniformise, rabote, use les aspérités, abaisse les saillies, efface les marques particulières du caractère de chaque peuple. Par instinct de singe, l’homme aime à copier. » Il est permis aux esprits les plus distingués de médire de la civilisation et de s’éprendre du pittoresque en matière de législation ; mais l’Angleterre n’hésite pas à sacrifier à l’intérêt de sa sécurité l’originalité de ses vieux préjuges. En vertu d’une loi de 1869, remaniée en 1871, la surveillance, limitée jusqu’alors aux libérés dont la peine n’était pas expirée, a été étendue aux individus condamnés deux fois pour crime que le magistrat croit nécessaire de placer pendant sept ans sous l’œil vigilant de la police. Toute infraction aux règlemens sur la surveillance est punie par le magistrat de la révocation de la liberté provisoire ou d’une année d’emprisonnement. En outre tout libéré soumis à la surveillance peut être renvoyé en prison, et tout individu condamné deux fois pour crime et libéré depuis moins de sept ans peut être condamné à un an d’emprisonnement, s’il est prouvé devant le magistrat qu’il a recours pour vivre à des moyens malhonnêtes, ou s’il est arrêté dans des circonstances qui permettent de penser qu’il attendait l’occasion de commettre un nouveau crime. Nous ne contestons pas qu’un pouvoir redoutable ait été ainsi placé dans les mains des magistrats ; mais la publicité dont l’exercice de ce pouvoir est sagement entouré suffit pour empêcher tous les abus. Ceux qui ont assisté à quelques audiences des tribunaux de police de Londres, qui ont vu quelle patience, quelle impartialité, quel respect des droits de la défense apportent tous les magistrats de ces tribunaux dans l’accomplissement de leurs difficiles fonctions, comprennent que le législateur n’ait pas craint de leur confier sur les criminels les plus dangereux une sorte de juridiction discrétionnaire.

Quel a été l’effet de toutes ces mesures ? quels résultats ont été obtenus depuis 1864 ? Est-il vrai, comme n’hésite pas à le prédire M. Michaux, que la transportation un instant suspendue doive être bientôt reprise, et que l’Angleterre ne puisse s’en passer ? Voici la réponse que font à ces prévisions pessimistes les statistiques des dernières années. En 1869, le nombre des condamnations à la servitude pénale était de 2,587 ; en 1870, ce nombre est tombé à 2,015, et en 1871 à 1,818. Jamais on n’avait vu une diminution si