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Leipzig, à Bonn, à Gœttingue ; à Vienne, il voit des laboratoires de chimie, de physique, de physiologie, construits exprès et outillés sur les indications des professeurs eux-mêmes. Ce rapport a précédé la déclaration de guerre ; j’y lis cette phrase, dont les événemens allaient si douloureusement consacrer la vérité : « il s’agit d’un intérêt de premier ordre, car la vie intellectuelle d’un peuple alimente les sources de sa puissance matérielle, et son rang est marqué aussi bien par l’ascendant qu’il sait prendre dans les choses de l’esprit que par le nombre et la valeur de ses défenseurs. » Dès le printemps de 1867, les chambres saxonnes, après les désastres qui avaient anéanti l’autonomie de leur pays, votent sans hésiter les sommes nécessaires à la construction du laboratoire de Leipzig, qui s’élève aujourd’hui sur une superficie de 5,000 mètres carrés ; l’Autriche cherche à se relever de Sadowa, et consacre 5 millions de florins (12 millions 1/2 de francs) à la construction de ses instituts scientifiques. De tels faits ne sont-ils pas propres à exciter notre émulation ? Nous n’avons rien de semblable même à ce que je vois dans une pauvre petite ville de Poméranie, située tristement sur les bords de la Baltique : Greifswald, qui n’a guère plus de 10,000 habitans, possède un institut anatomique et physiologique, un laboratoire de chimie, un hôpital académique ; ce n’était pas assez, on vient d’y organiser un institut pathologique. Après avoir énuméré toutes ces richesses, qu’il envie et qu’il voudrait trouver en France, M. A. Wurtz conclut : « C’est la science qui féconde aujourd’hui le travail des nations. Ce sont donc des dépenses productives que ces sommes consacrées au perfectionnement des études scientifiques ; c’est un capital placé à gros intérêt, et le sacrifice, comparativement léger, qu’il aura imposé à une génération vaudra aux générations suivantes un surcroît de lumières et de bien-être. » Les générations contemporaines en profitent les premières, et l’on aurait tort de croire que les découvertes abstraites restent longtemps dans le domaine de la science pure. Toutes les découvertes qui ont enrichi notre commerce et développé notre industrie sont sorties de l’enseignement supérieur ; c’est là un fait qu’on semble négliger, et qui est d’une extrême importance. Les travaux des Dumas, des Chevreul, des Pasteur, Wurtz, Berthelot, Sainte-Claire Deville, ont amené dans la fabrication des teintures, des vins, des bières, des corps gras, dans l’exploitation des vers à soie, dans les combinaisons métallurgiques, des modifications qui rapportent à la France un revenu net de plus de 100 millions. En regard de ce chiffre énorme, il convient de remarquer que les chaires expérimentales ont pour frais de cours un crédit annuel qui varie de 200 à 1,500 fr. La situation faite aux savans désintéressés n’est vraiment pas digne