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la conduire. Elle lui échappe en quelque sorte, et, soit qu’elle gronde, soit qu’elle chante, il semble que le hasard l’ait voulu ainsi. Il y a pourtant une chose qui lui appartient en propre, car il la reproduit si constamment que ce doit être un parti-pris : c’est l’étrange procédé qui consiste à enfler, à prolonger démesurément les dernières syllabes des mots sur lesquels s’arrête la phrase. De là d’incroyables fautes de prononciation. Il dénature la langue, il estropie les vers, il crée des termes qui n’ont ni sens ni figuré. M. Mounet-Sully, très inégal sans doute, mais si original parfois dans les rôles d’Oreste, de Rodrigue et de Néron, n’a eu qu’un seul accent de passion vraie dans le personnage de Didier, c’est lorsque, Saverny le félicitant d’être le préféré de Marion Delorme, il jette ce cri, moitié riant, moitié sanglotant : « Est-ce pas que je suis bien heureux ! » Le jeune comédien a grand besoin de se surveiller sévèrement, s’il ne veut pas s’exposer au dédain des vrais juges. La manière peut faire illusion quelque temps, elle ne tarde pas à devenir intolérable. M. Maubant a dit avec gravité les éloquentes remontrances, du marquis de Nangis. M. Got, dans le rôle du bouffon L’Angély, a seulement quelques vers à prononcer ; cela lui suffit pour graver un dessin à l’eau-forte. M. Bressant, avec sa parole de plus en plus traînante et ennuyée, a tout ce qu’il faut pour représenter le Louis XIII de M. Victor Hugo ; ce n’est pas sa faute si le quatrième acte a paru si long. M. Febvre rend avec précision la physionomie sinistre du lieutenant-criminel. Nous finissons par M. Delaunay, qui a eu les honneurs de la soirée ; il est impossible d’exprimer avec plus de jeunesse, d’étourderie et de bonne grâce le caractère du marquis de Saverny.


S. R.



LES TRAITÉS DE PAIX AVEC L’ALLEMAGNE
APRÈS LA GUERRE DE 1870-71

Recueil des traités, convention, lois, décrets et autres actes relatifs à la paix avec l’Allemagne, 2 vol gr. in-8o ; Imprimerie nationale.


Plus de quatre-vingts ans se sont écoulés depuis qu’à la tribune de la première assemblée nationale Mirabeau annonçait une ère de liberté, de fraternité des peuples et de paix universelle ; les temps qui ont suivi ont montré si la réalisation de ces théories généreuses était proche ou même possible. À peine le grand orateur avait-il fermé les yeux, que, la révolution déchaînant ses tempêtes, l’Europe entière était livrée à la guerre pendant plus de vingt ans ; puis suivit une longue accalmie, durant laquelle on put croire que la paix serait sinon éternelle, du moins