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allemands avaient répondu que ces individus seraient considérés comme Français sans être tenus de faire une déclaration d’option[1]. On sait que, nonobstant ces engagemens solennels, les Français domiciliés au moment de l’annexion dans l’Alsace-Lorraine, bien qu’ils n’y fussent pas nés, ont été mis en demeure, s’ils voulaient conserver la qualité de Français, de se retirer, ce qui pour beaucoup était la ruine, faute de quoi ils seraient considérés comme Allemands. Il est vrai qu’en procédant ainsi le gouvernement allemand a prétendu ne pas se mettre en contradiction avec les engagemens pris à Francfort. Il ne s’agit pas d’option pour les domiciliés ; a-t-il été répondu à ceux qui se plaignaient, il s’agit d’une catégorie d’étrangers à l’égard desquels des précautions particulières doivent être prises. Le raisonnement vaut la peine d’être reproduit ; l’ancienne sophistique n’eût pas mieux dit.

La question des mineurs est un autre exemple des déceptions qui étaient réservées à nos compatriotes. On a aussi examiné dans les conférences de Francfort le point de savoir si et comment les mineurs auraient la faculté d’option. Également sur la demande des commissaires français, les commissaires allemands avaient expliqué que les mineurs auraient la faculté d’option, sans qu’il y eût à distinguer entre ceux qui seraient émancipés et ceux qui ne le seraient pas, que la seule obligation imposée aux uns et aux autres était l’assistance de leurs représentans légaux, pères ou tuteurs[2]. Ces engagemens n’ont pas été respectés davantage. Les mineurs n’ont été admis à faire choix pour la nationalité française qu’autant que leurs pères optaient pour elle. Les enfans n’ont pu, malgré toutes leurs réclamations appuyées de celles de leurs représentans légaux, jouir de la faculté d’option qui leur avait été reconnue en principe et qui, pour exister réellement, impliquait dans l’application la liberté de leur choix personnel. Ceux dont les pères, par des nécessités d’existence ou de position, sont restés Allemands, ont dû suivre cette nationalité. C’est ainsi que les clauses, libérales en apparence, du traité de Francfort sont en fait au-dessous des dispositions des traités de 1815. Ceux-ci du moins donnaient un délai de six ans pour faire l’option et se choisir un autre domicile. Aucun obstacle n’était apporté à l’émigration des membres d’une même famille, quel que fût leur âge, et par suite à leur changement de nationalité. On comprend du reste combien la longueur de ce délai de six ans procurait aux intéressés de facilités pour prendre un parti et éviter le désastre d’une liquidation anticipée. Les Alsaciens-Lorrains n’ont eu qu’un délai d’un an. L’arbitraire le plus complet a présidé à la vérification des options : le Courrier du Bas-Rhin annonçait récemment que, sur 4,950 déclarations d’option faites dans l’arrondissement de Ribeauvillé, 4,135 avaient été annulées. Ainsi

  1. Tome Ier du Recueil, p. 133.
  2. Pages 133 et 143 du Recueil.