1816 à 1822 l’Histoire naturelle des animaux sans vertèbres en sept volumes ; c’est son ouvrage capital, et, comme il est uniquement descriptif et taxonomique, il fut accueilli par l’approbation unanime des savans. Son mémoire sur les coquilles fossiles des environs de Paris, où sa profonde connaissance des coquilles vivantes lui permit de classer sûrement celles qui n’étaient plus que la dépouille d’animaux disparus depuis des milliers de siècles, reçut également un accueil favorable. Lamarck avait commencé l’étude de la zoologie à cinquante ans ; l’examen minutieux de petits animaux visibles seulement à la loupe et au microscope fatigua, puis affaiblit sa vue. Peu à peu les nuages qui l’obscurcissaient s’épaissirent, et il devint complètement aveugle. Marié quatre fois, père de sept enfans, il vit disparaître son mince patrimoine et même ses premières économies dans quelques-uns de ces placemens hasardeux offerts par la spéculation à la crédulité publique. Son modeste traitement de professeur le préservait seul de la misère. Les amis des sciences que sa réputation comme zoologiste et comme botaniste attirait auprès de lui voyaient ce délaissement avec surprise ; il leur semblait qu’un gouvernement éclairé aurait dû s’informer avec un peu plus de soin de la position d’un vieillard qui avait illustré son pays ; mais les gouvernemens, on le sait, réservent leurs faveurs pour d’autres services, et la misère d’un vieux savant aveugle a rarement droit à leur sollicitude. Lamarck passa donc les dix dernières années de sa laborieuse vie plongé dans les ténèbres, entouré des soins affectueux de ses deux filles. L’aînée écrivit encore sous sa dictée une partie du sixième et une partie du septième volume de l’Histoire des animaux sans vertèbres. Depuis que le père ne quittait plus la chambre, la fille ne quittait plus la maison ; à sa première sortie, elle fut incommodée par l’air libre dont elle avait perdu depuis si longtemps l’habitude. Lamarck mourut le 18 décembre 1829 à l’âge de quatre-vingt-cinq ans ; Latreille et de Blainville furent ses successeurs au Muséum. Le nombre des animaux sans vertèbres s’était tellement accru qu’il fallut créer deux chaires là où une seule avait suffi, grâce à l’incroyable activité du premier titulaire. Ses deux filles restèrent sans ressources. J’ai vu moi-même, en 1832, Mlle Cornélie de Lamarck attacher pour un mince salaire sur des feuilles de papier blanc les plantes de l’herbier du Muséum où son père avait été professeur. Souvent des espèces nommées et décrites par lui ont passé sous ses yeux, et ce souvenir ajoutait sans doute à l’amertume de ses regrets. Filles d’un ministre ou d’un général, les deux sœurs eussent été pensionnées par l’état ; mais leur père n’était qu’un grand naturaliste, honorant son pays dans le présent et dans l’avenir, elles devaient être oubliées, et le furent en effet.
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