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sera invité à faire connaître quelle diminution il entendrait faire dans le chiffre des indemnités proposées.

Est-ce là le dernier mot de la commission du budget ? On ne saurait en répondre ; il est d’ailleurs soumis à des conditions incidentes qui ne permettront pas avant quelque temps de le convertir en chiffres positifs. Un autre point reste encore en suspens au sujet des départemens envahis, c’est de savoir si les indemnités qui leur écherront, quelles qu’elles soient, seront acquittées en bloc ou par fractions ; M. Thiers a fortement insisté là-dessus, et la commission du budget ne lui a pas donné de réponse.

De ces divers incidens, il y a maintenant une conclusion à tirer. Que n’a-t-on pas dit de l’impression que les derniers événemens devaient laisser dans les âmes ? On nous dépeignait transformés, rougissant de nous-mêmes, touchés d’un repentir salutaire. C’était bien le moins après les rudes leçons qui nous avaient été infligées. Le démenti, hélas ! ne s’est pas fait attendre : à deux ans de date, nous voici redevenus à peu près ce que nous étions, ni plus sages, ni plus modérés. En est-il de meilleure preuve que l’animosité invétérée de la province contre Paris, ces susceptibilités qui, à un moment donné, l’ont frappé de séquestre, et qui s’attachent incessamment à ce qu’il veut, à ce qu’il fait, à ce qu’il demande ? Le mal est vieux, et tout prouve qu’il a empiré. On ne pardonne à Paris, on ne lui a jamais pardonné ni ce qu’il est, ni la place qu’il tient en France et en Europe, ni la grandeur qui survit à tous ses écarts. On ne lui tient pas compte de ce que son héroïque population a souffert pendant le siège, on se souvient seulement des dévastations que lui a fait subir, après l’abandon de toute force organisée, une poignée de bandits. C’est là, il faut le dire bien haut, un mauvais sentiment, une injustice criante, qui couvrent des griefs dont Paris, le vrai Paris n’est, à tout prendre, ni auteur ni complice. Mieux inspirés, dépouillons-nous au moins de ces préjugés qui ont si longtemps animé une portion de la France contre l’autre ! L’apologue de Ménénius Agrippa est toujours bon à rappeler quand il s’agit d’une capitale et de ses provinces ; puis les faits sont là et parlent d’eux-mêmes, si on leur donne un sens vraiment équitable. Il est vrai que c’est beaucoup demander à des corps délibérans qui ont toujours derrière eux et présentes à l’esprit les populations dont ils tiennent leur mandat, et qui, ayant dans les mains l’argument du nombre, trouvent plus expédient de ne pas recourir à de meilleures raisons. C’est une infirmité commune, et, malgré le traitement dont nous relevons à peine, il parait que nous n’en sommes pas bien guéris.

D’autres symptômes confirment celui-là. Le pays avait longtemps