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mobiles salutaires qu’il en pouvait trouver dans les rêves religieux où naguère il avait encore la naïveté de chercher les alimens de sa vie spirituelle. Dans cette dernière partie, qui forme la conclusion pratique du livre, nous remarquons un salmigondis politique aussi réactionnaire d’esprit et de tendance que les premiers chapitres étaient radicaux, puis une appréciation détaillée des mérites transcendans de Lessing, Goethe et Schiller, de Haydn, Mozart et Beethoven, les deux trinités littéraires et musicales qui doivent remplacer désormais la vieille trinité, décidément passée de mode. Il n’est pas dit un mot de M. Wagner. Quel est donc ce mystère ? Dérangerait-il par hasard la symétrie ? ou bien serions-nous peut-être du passé en musique, hostile à la musique de l’avenir ?

L’apparition du livre n’eut pas tout de suite le retentissement qu’on aurait pu croire. L’Allemagne, elle aussi, a ses préoccupations. Il y eut d’ailleurs un moment d’indécision. Les amis politiques de l’auteur ne sont pas, tant s’en faut, ses amis religieux, et réciproquement. Toutefois l’explosion ne tarda guère, et elle ne fut pas précisément à l’avantage du docteur. Vieux et nouveaux catholiques, protestans de toute nuance, rédacteurs de la presse quotidienne et périodique, philosophes et même naturalistes, tous furent d’accord pour repousser ses principes et ses conclusions. En Suisse et en Hollande, des théologiens connus par le caractère très avancé de leurs opinions religieuses, tels que le professeur Rauwenhoff, de Leide, et M. Lang, de Zurich, exprimèrent avec énergie leur déception profonde. On peut même remarquer que les critiques les plus véhémentes sortirent, non des orthodoxies de noms divers qui se partagent les églises, mais des tendances libérales, dont les représentans pressentirent, et avec raison, qu’un tel livre ne pouvait servir que les intérêts de la réaction politique et religieuse. C’était un spectre tout trouvé pour elle, et qui pourra longtemps la fortifier.

La mauvaise étoile de M. Strauss voulut aussi qu’à peu près en même temps parût un discours de M. Dubois-Reymond, de Berlin, l’un des représentans les plus notables de l’école naturaliste, qui n’est certainement pas suspect de tendresse exagérée pour la France, patrie de ses ancêtres, ni pour les vieilles idées philosophiques, et qui démontre avec une incontestable compétence que les explications purement physiques et chimiques sont profondément incapables de rendre compte des faits de conscience. En réalité, cela rouvre à deux battans la porte à cet odieux spiritualisme dont on voudrait si bien, et dont on ne peut jamais se débarrasser tout à fait. il est facile de comprendre le parti que les adversaires de M. Strauss tirèrent de cette coïncidence. Seuls, quelques organes du socialisme radical se montrèrent de bonne composition.