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presque amortie par les bénéfices nets de l’exploitation. Quant à dire la somme des profits que le commerce en a retirés, ce serait incalculable, C’est que ces canaux desservent un trafic d’une activité prodigieuse, surtout en produits des forêts et de l’agriculture. Sept mille bateaux d’une capacité moyenne de 150 tonnes transportent annuellement 6 millions de tonnes de marchandises qui représentent une valeur, de 1 milliard 200 millions de francs, quoique le climat impose chaque année trois ou quatre mois de chômage. Avant qu’il y eût des chemins de fer, le canal Érié avait en quelque sorte le monopole des transports entre New-York et la région de l’ouest. Les compagnies de batellerie, riches et puissantes avaient sur le littoral des grands lacs d’habiles correspondans qui dirigeaient vers Buffalo les marchandises d’exportation. L’affaire était si bonne que la législature de l’état ne voulut d’abord autoriser la construction de chemins de fer parallèles au canal qu’à la condition que ceux-ci ne transporteraient pas de marchandises. Cette restriction ne fut pas longtemps en vigueur : d’abord on la supprima pendant la période de chômage des voies navigables, puis on permit aux chemins de fer de charger les marchandises en toutes saisons, mais en payant au trésor une redevance égale aux droits de navigation ; enfin en 1851 le principe absolu de la libre concurrence fut admis sans réserve. La navigation a souffert, comme on pense, de ce nouveau régime, d’autant plus que les compagnies de chemins de fer qui se font suite depuis New-Nork jusqu’à Chicago et jusqu’au Mississipi se passent les marchandises les unes aux autres. Les canaux ne reçoivent plus que les matières lourdes et encombrantes. Au dire des hommes compétens, ils soutiendraient très bien la concurrence, si l’on pouvait établir un mode économique de halage par la vapeur. La question a paru d’une telle importance que la législature a promis un prix de 100,000 dollars à l’auteur de la meilleure solution pratique. Cette magnifique récompense influera-t-elle sur les travaux des inventeurs, qui ont toujours quelque chose de spontané et le plus souvent ne profitent guère des concours ?

Les canaux ne sont pas envisagés seulement comme voies de navigation commerciale. Les habitans des États-Unis, quoique en paix avec tout l’univers, n’oublient pas qu’ils peuvent être attaqués par une puissance étrangère. Toutes leurs frontières étant vulnérables, ils se préoccupent de rendre facile et prompte la concentration de leurs moyens de défense sur le point qui serait menacé. Ainsi il serait très utile, le cas échéant, de faire venir des canonnières, par l’intérieur des terres, du golfe du Mexique au lac Michigan et de ce lac à l’Atlantique. Dans cette intention, on parle d’une part d’élargir les écluses du canal Érié, d’autre part d’ouvrir entre Chicago et