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l’endroit où l’Illinois devient navigable un canal à grande section par lequel passeraient les plus grands steamboats du Mississipi. Ce dernier projet n’est réalisé qu’en partie jusqu’à ce jour par une rigole de dimension médiocre qui débouche dans la rivière de Chicago. L’exécution complète du plan qui vient d’être indiqué doterait les États-Unis d’une voie magistrale dont le succès financier serait d’autant plus certain que sur ces canaux de large section les frais de transport s’abaissent à un prix que les chemins de fer n’atteindront jamais.

A l’exception du réseau de l’état de New-York et de quelques autres canaux bien situés, les voies navigables ont succombé devant les chemins de fer. M. Malézieux attribue en partie ce résultat à l’inexpérience des ingénieurs américains en matière de travaux hydrauliques ; mais il reconnaît aussi que les chemins de fer ont l’avantage inappréciable de relier par de longues lignes continues les ports de mer aux villes de l’intérieur, et même de pénétrer jusqu’aux puits des mines, jusqu’à l’intérieur des usines. Peut-être les chemins de fer ont-ils surtout, pour une population très clairsemée, l’avantage d’une construction plus simple. Dans une région peu accidentée, où les terrains n’ont pas de valeur vénale, où la vitesse de marche peut être réduite sans inconvénient, une voie fermée ne consiste qu’en deux lignes de rails posés sur des traverses, sans ponts, ni viaducs, ni bâtimens de station, sans tous ces coûteux accessoires qui sont l’accompagnement obligé des chemins de fer dans nos pays d’Europe. Aussi les railways s’étendent-ils depuis quarante ans avec une rapidité prodigieuse.

Il est inutile de rappeler les scandales financiers par lesquels se sont illustrées certaines compagnies de chemins de fer américaines ; nous les avons racontés ailleurs[1]. Il ne s’agit ici que d’étudier comment ces chemins se construisent et comment on les exploite. Au premier abord, ils diffèrent beaucoup des nôtres. Nos chemins de fer sont d’imperturbables lignes droites avec des courbes à grand rayon, qui percent les montagnes par des tunnels et franchissent les vallées sur de superbes arcades en maçonnerie. Fermés à droite et à gauche par une haie, on ne peut les traverser que sur des ponts ou par des passages à niveau que défendent une barrière et un gardien. Les stations sont des monumens de luxe où les voyageurs sont parqués dans des salles sous la surveillance de nombreux employés en uniforme. Les railways des États-Unis sont tout autres. Le tracé suit les mouvemens du sol ; le rayon des courbes s’abaisse à 120 mètres, s’il le faut ; les pentes atteignent 22 millimètres par mètre sans qu’on y trouve d’inconvénient. Au

  1. Voyez, dans la Revue du 1er avril 1872, les Chemins de fer aux États-Unis.