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solennels, et, quelle que soit l’élégance des termes ou la familiarité du ton, les idées exprimées n’en demeurent pas moins, comme il convient en pareille matière, invariablement sérieuses, les doctrines supérieures aux petites vérités d’exception ou d’accident.

De là, sous des dehors d’innovation, le caractère foncièrement classique des entreprises de l’érudition moderne et la signification générale qu’elles comportent au point de vue des principes, tout en paraissant avoir pour objet l’étude spéciale d’un ordre.de monumens, d’une localité, d’une époque. Les ouvrages entre autres que M. Perrot et M. Heuzey ont publiés sur l’île de Thasos, sur le mont Olympe et l’Acarnanie, les travaux de M. Victor Place et de M. Thomas sur Ninive et l’Assyrie, ne se recommandent pas seulement par l’authenticité ou la nouveauté des documens produits : ils nous apprennent à démêler certaines conditions morales sans lesquelles l’art et le beau n’existent pas, à reconnaître les lois immuables qui régissent au fond toute conception architectonique ou pittoresque, toute œuvre fondée sur l’expression de la forme, quelles que puissent être d’ailleurs la diversité des moyens d’exécution et l’inégalité des succès obtenus. Ils nous montrent enfin que, malgré l’extrême différence des temps, des civilisations, des croyances ou des habitudes nationales, l’unité de l’art se perpétue sans démenti, se manifeste sans équivoque. La grandeur colossale des édifices asiatiques aussi bien que l’admirable proportion des temples grecs, procède d’intentions dont seront animés à leur tour les vrais artistes de tous les âges, parce que ces inspirations ou ces pensées tiennent à la nature même des choses, et correspondent à d’éternels besoins de l’âme humaine.

Je m’explique. Certes, à ne considérer que la beauté relative des résultats, on sera peu tenté de confondre les travaux d’architecture et de sculpture qui ont survécu à la ruine des villes de l’Assyrie et de la Grèce. Personne ne s’avisera d’étudier au même titre et avec le même zèle les restes du palais de Khorsabad et le Parthénon, les bas-reliefs ninivites et les Panathénées de Phidias ; autant vaudrait professer une admiration égale pour les peintures des hypogées égyptiens et pour les fresques du Vatican. Ce que nous voulons dire seulement, c’est que, depuis les premiers efforts de l’art en Afrique et en Asie jusqu’à ses plus glorieux chefs-d’œuvre à Athènes et à Rome, tout atteste le développement continu de principes une fois révélés, d’instincts communs aux peuples ou aux générations qui se succèdent, comme les sentimens mêmes et les passions du cœur, — c’est que, sauf la variété des modes d’application et les influences plus ou moins fécondes exercées à de certains momens par les hommes de génie, la même foi, les mêmes désirs au moins inspirent chaque nouvelle entreprise, et que, s’il y a eu,