Page:Revue des Deux Mondes - 1873 - tome 104.djvu/483

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

annonça qu’il s’en remettait à la justice du mikado pour statuer entre lui et les princes du sud. Cette abdication n’était peut-être qu’une ruse de guerre. Ce qui est certain, c’est que, peu de semaines après, Stotsbachi, sans tenir compte de la décision que pourrait prendre le souverain, lançait ses troupes contre les daïmios ; mais son armée était battue, à la fin de 1867, entre Kioto et Osaka, et il était forcé lui-même de s’embarquer nuitamment pour revenir en toute hâte à Yeddo. Il ne put y rester longtemps. Le mikado déclara que, prenant en considération les services d’une famille illustre, il voulait bien lui pardonner et lui accorder la vie, mais que le château de Yeddo devait être rendu, ainsi que les armes et les navires de guerre. Stotsbachi n’hésita plus à se soumettre. Le 3 mai 1868, il se mit en marche, à pied, pour sortir de son ancienne capitale, et se rendit dans la province de Sourounga, où, cessant d’être taïcoun pour n’être plus que le chef de la famille de Tokoungawa, il vécut comme un simple daïmio.

Enfermé dans un palanquin qui le tenait caché à tous les yeux, le mikado, accompagné des grands daïmios et de sa cour, fit son entrée solennelle à Yeddo le 25 novembre 1868. Le taïcoun était décidément vaincu ; mais les difficultés ne se trouvaient pas encore aplanies. Les daïmios du nord, qui à l’origine n’avaient pas pris part à la lutte, allaient la recommencer pour leur compte. Le prince de Aidzou et ses confédérés, levant l’étendard de la révolte, déclaraient en principe qu’ils respectaient l’autorité du mikado, mais qu’à leurs yeux ce souverain n’était plus libre, que les daïmios du sud, à la tête desquels se trouvait le prince de Satzouma, exerçaient une influence pernicieuse sur ses actes, et qu’en cet état de choses les daïmios du nord se voyaient dans l’obligation de se tenir sur leurs gardes. Au milieu d’une situation si confuse et si imparfaitement connue, les représentans des puissances étrangères eurent la sagesse d’observer une attitude impartiale et prudente dont tous les partis en lutte au Japon apprécièrent le caractère correct. Ils annonçaient hautement qu’ils n’interviendraient pas dans les démêlés intérieurs du pays, mais ils affirmaient en même temps de la manière la plus énergique l’intention de ne tolérer, quel que fût le parti qui l’emportât, aucune infraction à des traités reconnus successivement par le taïcoun et par le mikado. Cette déclaration produisit une impression salutaire, augmentée encore par l’apparition de forces navales imposantes. Les auteurs de violences partielles dont des sujets anglais, français et américains avaient été victimes subissaient un châtiment exemplaire. Enfin le mikado, loin de témoigner de l’hostilité aux étrangers, leur ouvrait la ville de Yeddo, ainsi que les ports d’Osaka et de Niegata. Ceux des anciens partisans du taïcoun qui, même après sa déchéance, avaient continué