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Page:Revue des Deux Mondes - 1873 - tome 104.djvu/482

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politique, et que le taïcoun, loin d’être le souverain temporel de l’empire, n’avait d’autre caractère que celui d’un agent du pouvoir exécutif exercé au nom du mikado. Sans doute les taïcouns, dont l’autorité remonte, dit-on, au XVIe siècle, avaient fini par dominer l’aristocratie japonaise en forçant les dix-huit grands daïmios à venir habiter pendant plusieurs mois de l’année Yeddo, capitale du territoire taïcounal, et à y laisser comme otages pendant leur absence un certain nombre de parens et de serviteurs. Les taïcouns étaient devenus une sorte de maires du palais ; mais le mikado actuel, qui a de l’intelligence et de l’audace dans le caractère, refusa d’accepter le rôle d’un roi fainéant. Il choisit avec habileté le moment opportun pour réduire le taïcoun à la situation d’un simple daïmio, et pour organiser en face de la féodalité japonaise une autorité incontestable et une puissante centralisation.

Ce fut en 1868 que cette révolution importante s’opéra. Le taïcounat était alors aux mains de Stotsbachi, qui avait succédé à Yémoutchi au mois d’août 1866. Hardi et entreprenant, le taïcoun avait pour but d’établir sa domination absolue sur les grands daïmios, et, dans cet espoir, il cherchait à s’attirer les sympathies des puissances maritimes, celles de la France surtout. Il abrogeait la loi fondamentale de la constitution japonaise qui interdisait aux indigènes, sous peine de mort, de sortir du territoire de l’empire ; il prodiguait aux chefs des légations étrangères des témoignages d’amitié et de confiance ; il secondait de tout son pouvoir l’établissement d’une société franco-japonaise, composée de capitalistes des deux nations ; enfin il envoyait à Paris en 1867 son jeune frère, que nous avons vu figurer, à côté des princes de l’Europe, dans toutes les solennités de notre exposition universelle. Le caractère de Stotsbachi, ses projets, ses tentatives pour constituer d’importantes forces navales et militaires, ne tardèrent point à soulever les jalousies et les défiances des grands daïmios, et il se trouva devant eux dans une situation analogue à celle des maires du palais à l’égard des grands vassaux carlovingiens. L’un des plus riches et des plus puissans daïmios du sud, le prince de Nagato, qui avait déjà envahi le nord de la frontière du territoire taïcounal au moment de la mort de Yémoutchi, reprit les hostilités à l’expiration des six mois de trêve que l’étiquette japonaise impose en signe de deuil aux belligérans. Les autres princes du sud suivirent son exemple, et, déclarant qu’ils n’agissaient que dans l’intérêt du mikado, dont l’indépendance et la souveraineté étaient, disaient-ils, menacées par le taïcoun, ils quittèrent tous à la fois Yeddo, chef-lieu du territoire taïcounal, pour se rendre à Kioto, résidence du mikado, et pour décider ce monarque à se prononcer contre le taïcoun. Ce dernier, laissé ainsi dans l’isolement, abdiqua, en septembre 1867, et