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sont tombés sur les amendemens, et somme toute l’œuvre primitive, telle qu’elle avait été préparée et convenue, est sortie à peu près intacte de ce tumultueux conflit. Commission et gouvernement ont donné jusqu’au bout le salutaire exemple d’une complète intelligence, et en restant d’accord ils n’ont point eu de peine à trouver au terme une suffisante, une large majorité, pour sanctionner un acte un peu subtil en certains points, si l’on veut, un peu vague sur d’autres points, nous en convenons, mais en définitive un acte de haute transaction politique, qui marque une étape de plus dans la laborieuse carrière que nous parcourons depuis deux ans. Non certes, ce n’est point une solution définitive, personne ne se fait de ces illusions puériles ; c’est une halte sur cette longue route semée de tant de malheurs et de tant d’épreuves, c’est une manière de fortifier un peu notre campement, de planter notre tente à l’abri des plus violens et des plus imminens orages. À cette œuvre des trente, qui devient désormais une loi de l’état, il ne faut pas demander en effet si elle a tout réglé, l’avenir et le présent, si elle a résolu des problèmes que chaque parti a la prétention de résoudre à son profit sans en avoir la puissance ; il faut lui demander si elle suffit à une nécessité du moment, si elle crée des conditions où tous les hommes de bonne volonté puissent travailler au bien du pays simplement et pratiquement. Hélas ! l’œuvre des trente ne résout rien, cela est bien clair ; du moins elle ne compromet rien sérieusement. C’est là l’essentiel pour le moment. La loi des trente a le mérite de ne réserver que ce qui pouvait déchaîner la guerre immédiate des opinions et des passions en permettant tout ce qui peut être fait utilement, et ce qu’elle avait de vague, d’indécis, les partis lui ont rendu le service de l’éclaircir, de le préciser par l’excès même de leurs prétentions, par la confusion de leurs querelles et de leurs représailles, par l’indigence arrogante de leurs revendications et de leurs récriminations.

Les partis se sont donné rendez-vous autour de cette pauvre œuvre des trente, qui n’était pas trop bien venue au premier abord, et ils ont fini par lui donner une certaine valeur au moins momentanée, la valeur d’un traité de paix qui a maintenant la sanction d’une majorité de plus de quatre cents voix contre la coalition des opinions extrêmes les plus opposées, de tous ceux qui étaient décidés à chercher dans la voie nouvelle ce qu’ils ne pouvaient y trouver. Ce qu’il y a de plus étrange, ce qui est un des phénomènes curieux de cette discussion qui vient de finir, c’est que tout le monde paraissait altéré de vérité, de clarté ; tout le monde appelait les explications décisives, et à chaque explication c’était à recommencer. Ce qui contentait ceux-ci ne pouvait contenter ceux-là ; ce qui semblait clair pour les uns n’était plus pour les autres que la continuation de l’équivoque. A-t-on assez répété cette éternelle et bruyante sommation : le pays a besoin de voir clair, il veut savoir où il va, où on le conduit ; il faut que la commission dise sa