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trois premières professions sont généralement réservées aux sourds-muets destinés à vivre à la campagne, les quatre dernières sont gardées au contraire pour ceux qui habiteront Paris ou une grande ville. Je suis surpris qu’on n’ait pas essayé de leur donner un enseignement professionnel plus étendu ; tous les états où l’adresse et l’attention suffisent peuvent leur convenir. Il y a des métiers, celui de vannier par exemple, où l’outillage ne coûte rien, et qui rapportent un salaire acceptable ; ils pourraient devenir sans peine de bons ouvriers tailleurs, ébénistes, dessinateurs de broderie, forgerons, cloutiers, et voir s’ouvrir ainsi devant eux un avenir plus large et meilleur. Quoi qu’il en soit, ils sont dirigés dans les ateliers par des contre-maîtres extérieurs appartenant à des patrons qui fournissent les instrumens et les élémens de travail, touchent les bénéfices, de plus reçoivent une indemnité pour les notions indispensables qu’ils donnent aux élèves et pour les matières premières que ceux-ci ont détériorées. Il n’y a d’exception que pour l’horticulture, qui est enseignée par le jardinier même de l’institution, et pour l’atelier de cordonnier, dont le chef trouve une rémunération suffisante en fabriquant les souliers nécessaires aux écoliers.

Les sourds-muets m’ont paru fort attentifs à leur besogne et bien à leur affaire quand ils rabotent une planche ou battent une semelle. Ils font tout par imitation ; on travaille devant eux, ils essaient de reproduire ce qu’ils ont vu, et parfois y parviennent adroitement. A l’atelier de lithographie, on obtient de bons résultats ; on écrit, on dessine avec pureté et précision, on imprime avec soin. J’y ai vu des estampes à la chromolithographie qui avaient nécessité l’emploi de plus de douze pierres différentes et qui étaient bien réussies. L’atelier de reliure aurait fait sourire Bauzonnet et Capé ; mais les ouvriers ne sont point responsables de la qualité défectueuse des cartons employés. J’ai remarqué que l’assemblage était soigné, que la couture était solide, que le laminage ne causait point de maculatures. Les sculpteurs sur bois sont habiles : ils copient bien et savent dérouler gracieusement une branche de laurier sur la baguette d’un cadre ; les cordonniers fabriquent des chaussures où il m’a semblé qu’il y avait plus de clous que de cuir ; ce n’est certainement pas parmi eux que ce bottier fameux qui faisait des souliers pour aller en voiture et non pas pour marcher aurait été chercher des ouvriers.

Il est une classe-atelier que je m’attendais à trouver organisée d’une façon supérieure, et que j’ai été douloureusement surpris de trouver moins bien outillée que la dernière de nos écoles primaires, c’est la salle de dessin. Quelques vieux modèles en ronde bosse, deux ou trois bustes à pans coupés, épaves de cette méthode Dupuis