Page:Revue des Deux Mondes - 1873 - tome 104.djvu/585

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

étaient pourtant le génie et les ressources de la nation et la vitalité puissante de ses institutions que le terrible conflit se poursuivait avec une ardeur comme avec une confiance à toute épreuve.


I

Henry Temple, vicomte Palmerston, entra dans la vie publique au plus fort de ces conjonctures critiques[1]. Il avait pour lui tous les avantages que donnent la naissance, la fortune, une robuste constitution et l’extérieur le plus attrayant. Sa famille s’était depuis longtemps distinguée dans les diverses branches du service public, et avait produit, entre autres célébrités, le chevalier Temple, dont les mémoires, bien connus en France, ont ajouté une page si intéressante aux annales de la grande lutte de Guillaume III contre Louis XIV. Il fit ses études d’abord au collège de Harrow, qui dispute à celui d’Eton l’éducation des jeunes patriciens anglais, et il y rencontra pour condisciples lord Byron, sir Robert Peel et plus d’une notoriété future de sa génération. Ses qualités dominantes, le courage, l’assiduité, la persévérance, ne tardèrent point à se faire remarquer. On cite encore dans les traditions de Harrow un combat sanglant que livra Henry Temple à un élève « deux fois plus fort que lui. » On a publié des lettres qui constatent qu’à quatorze ans, tout en se distinguant dans les études obligatoires du collège, il cultivait en outre l’italien, l’espagnol et sans doute aussi le français, qu’il devait parler et écrire plus tard avec une rare correction. En quittant Harrow, il passe dans l’intimité de Dugald-Stewart, à l’université d’Edimbourg, trois années durant lesquelles, comme il l’a écrit lui-même, « il jette les fondemens de toutes les connaissances utiles et de toutes les habitudes d’esprit qu’il ait acquises. » On a rappelé, comme témoignage de son application, que, quand sir W. Hamilton voulut recueillir les conférences de Dugald-Stewart après la mort du célèbre professeur, qui n’en avait laissé aucun manuscrit, il en rétablit surtout le texte d’après les notes sténographiées d’abord et soigneusement mises au clair ensuite par Henry Temple.

Il n’avait point encore terminé à Cambridge ces fortes études quand déjà la vie publique et la lutte des partis le réclamèrent. En 1806, la mort de M. Pitt laissait vacant au parlement le siège universitaire que l’illustre homme d’état n’avait cessé d’occuper, et Palmerston, bien qu’il n’eût point encore passé tous ses examens, fut convié à revendiquer cette noble succession contre deux jeunes

  1. Né en 1784, mort en 1865.