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rivaux politiques qu’il devait retrouver, durant toute sa carrière, soit comme adversaires, soit comme collègues. Les suffrages obtenus dans ce premier essai de leurs forces par les trois ministres futurs sont intéressans à rappeler. Lord H. Petty, plus connu comme marquis de Lansdowne, depuis président du conseil et chef si honoré de la chambre des lords, obtint 331 voix, — lord Althorp, depuis lord Spencer, et ministre dirigeant la chambre dés communes pendant les grands débats de la réforme, eut 145 voix, — lord Palmerston enfin 128. On voit que la lutte, si elle ne fut point heureuse pour lui, fut du moins des plus honorables et témoigne d’autant plus des espérances qu’il avait déjà fait concevoir de lui que ses compétiteurs disposaient pour lors de l’appui gouvernemental. Nullement découragé par ce premier échec, il en essuya un second la même année à Horsham, et en définitive la carrière officielle s’ouvrit pour lui avant la carrière parlementaire.

La mort de M. Fox avait profondément ébranlé la coalition ministérielle qui, sous ses auspices, avait remplacé M. Pitt. Le grave différend qui survint l’année suivante entre lord Grenville et le roi sur la question catholique détermina la retraite du « chef de tous les talens. » Le duc de Portland fut appelé à former un nouveau cabinet, et, secondés par la réaction qui se manifestait dans tout le pays en faveur de la mémoire du grand patriote, les principaux élèves de M. Pitt, lord Castlereagh, M. Canning, lord Liverpool, furent rappelés au pouvoir, qu’ils devaient exercer si longtemps et avec un succès si complet au dehors. Lord Malmesbury, le célèbre diplomate, dont les mémoires ont versé des flots de lumière sur les négociations de cette époque, était l’ami intime du duc de Portland, et obtint de lui pour lord Palmerston, dont il était le tuteur, la position d’un des lords de l’amirauté. Dans une nouvelle lutte à Cambridge, ce dernier échoua encore, mais cette fois par trois voix seulement, et bientôt après il entra enfin au parlement d’une façon qui caractérise bien les mœurs politiques de l’époque. Sir Léonard Holmes, propriétaire à l’île de Wight, possédait un de ces bourgs où sa famille était toute-puissante et que l’on désignait alors comme « bourgs fermés » ou « bourgs pourris. » Il offrit le siège au jeune Palmerston à la condition que jamais, même pendant l’élection, il ne se présenterait à ses commettans. C’est ainsi que, comme M. Pitt et tant d’illustres émules, il put débuter dans la vie parlementaire au sortir presque de l’adolescence, et apporter plus tard au service de son pays une longue expérience, une pratique consommée des affaires, quand ses forces et ses facultés étaient encore dans toute leur vigueur, et à une époque de la vie où tant d’autres en étaient encore à leur laborieux apprentissage.