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régiment de grenadiers, un corps d’élite, refusait de charger. Exaspéré par cette disgrâce et résolu de ne point survivre à tant de calamités, il saisit un étendard et se précipita à cheval dans la mêlée. Un chasseur français l’abattit d’un coup de feu presque à bout portant. La balle lui avait traversé le nez, et il fut emporté sans connaissance par quelques-uns de ses officiers, qui l’avaient suivi. Il fut conduit à Altona, où il languit durant quelques semaines dans les plus grandes angoisses et aveuglé par sa blessure ; enfin il expira, épuisé par les tortures de l’âme autant que par celles du corps. Avant sa mort, il écrivit une lettre à Bonaparte, le suppliant de faire respecter la neutralité de ses états, puisqu’il n’avait pris aucune part à la guerre, où lui-même il avait servi non comme duc de Brunswick, mais comme général au service de la Prusse. Bonaparte, ayant lu la lettre, la jeta sur une table et répondit du ton le plus hautain à l’officier qui l’apportait : — Cette excuse ferait très bien pour un conscrit, mais pas pour un prince souverain ; ni lui ni aucun de ses enfans ne remettront jamais le pied dans le duché de Brunswick. La fin survenue, on réclama la permission d’ensevelir le duc auprès de ses ancêtres : l’usurpateur refusa avec la même arrogance, disant qu’il était indigne de reposer auprès d’eux. (Journal de 1806.) » On sait quel serment fut prêté sur cette tombe par son fils, et comment il le tint dans nos revers à la tête des « hussards de la mort » jusqu’au jour, funeste pour nous, où il devait trouver à son tour sur le champ de bataille la fin glorieuse qu’il y avait tant de fois cherchée.

Le second volume de la publication de lord Dalling se compose de la correspondance de lord Palmerston devenu ministre des affaires étrangères. La grave question européenne soulevée par l’insurrection de la Belgique réclama ses premiers soins. Le royaume des Pays-Bas, tel qu’il existait précédemment, avait été créé en 1814 par l’Europe coalisée contre la France dans le même esprit que les anciennes « barrières » que la diplomatie des temps antérieurs élevait avec tant de sollicitude contre l’ambition de nos rois. One ligne formidable de forteresses réparées et armées avec une défiance jalouse était confiée à la garde fidèle de cette sentinelle avancée dont l’alliance héréditaire avec nos ennemis leur ouvrait le territoire dès la première alerte. Ils ne devaient donc pas voir sans un profond déplaisir leur œuvre anéantie par le souffle révolutionnaire, et leur sentiment était vivement partagé par le duc de Wellington comme par le parti dont il était le chef en Angleterre. Lord Palmerston, on ne saurait trop le reconnaître, fut de ceux qui admirent dès l’abord l’impossibilité de sacrifier plus longtemps aux appréhensions de la sainte-alliance le vœu unanime et l’intérêt, incontestable des plus