Page:Revue des Deux Mondes - 1873 - tome 104.djvu/605

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

sagesse du duc de Wellington, à la bienveillante action de l’empereur Alexandre et avant tout aux habiles négociations de la maison de Bourbon, ces mêmes traités nous avaient garantis alors. Peut-être avons-nous trop oublié nous-mêmes, dans des jours plus heureux, que l’arrivée du comte d’Artois à Paris permit à M. de Talleyrand de stipuler dès le 23 avril 1814 l’évacuation immédiate par les alliés du territoire de l’ancienne France avec quelques additions aux frontières de 1792 et la conservation des richesses accumulées dont la victoire avait comblé nos musées. Peut-être la France n’a-t-elle jamais assez su que déjà en 1815 la Lorraine et l’Alsace avaient été formellement réclamées par la Prusse. Rien toutefois ne saurait justifier le langage dans lequel lord Palmerston qualifie le désir fort légitime qu’éprouvaient le roi Louis-Philippe et ses conseillers de voir modifier d’un commun accord, après vingt ans d’intervalle, la situation que son infortune suprême avait faite à notre pays.

Ces réserves nettement formulées, il est certain qu’il y a pour nous autant d’intérêt que de profit à étudier la publication de lord Dalling ; elle nous fournit les informations les plus authentiques et souvent les plus précieux avertissemens. Rien n’est plus salutaire en effet pour les peuples que de connaître le jugement que portent sur eux et sur leur puissance des adversaires éclairés, et, si notre amour-propre est parfois mis à l’épreuve, — par exemple quand le ministre anglais énumère avec une singulière prévoyance (lettre du 11 mars 1840) les maux qu’entraînerait sur la France une guerre entreprise par elle légèrement et sans motifs suffisans, — ne craignons pas de rechercher la précieuse vérité partout où nous pourrons la rencontrer. Comme témoignage des informations curieuses que renferme la correspondance intime de lord Palmerston, citons ce seul extrait d’une lettre confidentielle à lord Granville et le piquant aperçu qu’elle donne de la situation diplomatique du moment. Le roi de Hollande venait de fondre avec toutes ses forces sur la Belgique, qui eût été perdue alors sans la prompte intervention de l’armée française. Notre succès avait été si rapide que les plaisans n’avaient pas manqué de placer leur mot. — Est-ce une campagne ? — Non. — Une demi-campagne ? — Non. — C’est donc une partie de campagne ! — Le résultat à peine obtenu, les jalousies de lord Palmerston éclataient dans toute leur puérile exubérance. Ici, comme toujours, il considérait les armées, les flottes, les finances de la France comme à l’entière disposition de la politique commune, — interprétée par l’Angleterre seule ; mais, quand il en réclamait trop naïvement la direction même, le roi et ses ministres ne pouvaient avec toute la bonne volonté possible la lui abandonner, et dès lors que de contestations et de récriminations