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dévoués aux Romains. Ainsi nous lisons dans les Annales Palidenses, que nous avons déjà citées, d’absurdes et impossibles accusations d’idolâtrie, de magie, de monstrueuses débauches et cruautés[1] dirigées, sous l’an 1068, contre un enfant de dix-huit ans, privé de sa mère, et odieusement gouverné par des évêques, chez lequel la compression de la crainte et de perfides provocations ont pu développer des vices, mais que les gens d’église moins que personne avaient le droit de lui reprocher. L’œuvre de désaffection s’accomplissait cependant, et une explosion ne tarda point à se produire. Elle éclata vers 1070, tout à la fois en Thuringe, où l’archevêque de Mayence ruinait les peuples par ses exactions, et en Saxe, où l’archevêque de Brême soulevait les passions locales, et où le jeune roi suscitait par ses étourderies des mécontentemens fomentés et exploités par la grande noblesse. La révolte prenait le caractère de la guerre civile ; ses soutiens étaient Otton de Nordheim, maladroitement converti en séditieux déclaré, les Billung plus cauteleux, et le margrave Thedi[2] de Misnie. C’était l’ancienne opposition dynastique qui se réveillait les armes à la main, et il paraît bien qu’on en voulait à la vie du roi. Celui-ci était d’âge à payer de sa personne ; il le fit avec bravoure et résolution. Les révoltés n’en furent que plus acharnés. Il se commit des horreurs. M. Villemain a trop glissé peut-être sur cette guerre civile de 1070, qui est le début de la grande lutte entre Henri IV et la papauté. Giesebrecht et Gfrörer lui ont rendu dans l’histoire l’importance que Mascov, Struve et Saint-Marc lui avaient déjà reconnue et assignée. Il y a même eu à ce sujet peut-être une légère confusion de dates dans la savante mémoire de M. Villemain. Les Annales Palidenses ont avec exactitude constaté la révolte des Saxons et des Thuringes en 1070. Les Annales d’Hildesheim[3], une des sources les plus précieuses pour cette époque, malgré la prévention antifranconienne qui les inspire, nous fournissent d’amples détails, et Lambert d’Aschaffenbourg

  1. « Per immoderatam autem carnis petulantiam in tentum a Deo fuit alienatus quod etiam quandam imaginem ad mensuram digiti, ex Egypto allatam, venerabatur, ab illa quotiens oracula quæsivit, — necesse habebat aut christianum immolare, aut maximam fornicationem in summa festivitate procurare. » Pertz, t. XVI, p. 70. De semblables imputations se lisent dans d’autres chroniques de ce temps, comme dans celles de Reichersperg et dans les Annales sax., ce qui prouve que ces turpitudes étaient colportées d’un cloître à l’autre par les préposés à la chronique.
  2. Sur ce marquis Thedi ou Dedi, voyez Eccard, Hist. généal. sax., p. 63, sous le nom de Dedo III, et l’Art de vérifier les dates, t. III, p. 422.
  3. Voyez Leibniz, Rer. Brunsw. script., t. Ier, p. 731, et Pertz, t. III, p. 103 et suiv., sous la date de 1070. Le marquis Dedi donne le signal de l’insurrection. Lambert raconte l’accusation de complot contre la vie du roi imputée, à tort probablement, à Ottou de Nordheim.