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moine de Reichersperg et reculait d’horreur devant les abominations dont on avait cru le roi capable. Pour le gros des lecteurs, qui ne regarde pas aux dates en une époque si obscure et si lointaine, il reste que le jeune Henri IV était un monstre enfanté par Lucifer ; mais, quand on examine le fond des choses, on ne trouve aucun fait grave à lui reprocher, sinon de représenter une cause mauvaise en plus d’un point, et l’on n’a devant soi que l’animosité violente des partis, et les mœurs à demi sauvages de pays encore plongés dans l’ignorance et la barbarie.

Lambert nous apprend que la Saxe, la Thuringe et la Bavière furent conduites par Otton de Nordheim, que le duc de Saxe, Magnus de Billung, quoique retenu en captivité, soutint la révolte par ses amis, et que les évêques de Zeitz, d’Halberstadt et de Brême furent expulsés par les Saxons, lesquels sommèrent tous les peuples d’Allemagne de s’unir à eux pour élire un nouvel empereur. Otton poussa l’insolence jusqu’à provoquer le jeune roi au combat judiciaire. Il ne resta dans le parti du roi que la Basse-Lorraine, la France orientale et la Souabe, encore avec peu de zèle. Henri IV vint passer à Worms les fêtes de Noël (1074), et y fut réduit à une telle pénurie qu’il était obligé d’acheter au marché ce qui était nécessaire à son entretien et à celui de sa cour, pour remplacer les redevances et prestations féodales, que personne n’acquittait plus. Les Saxons s’acharnèrent surtout à la démolition des châteaux et forteresses nouvellement construits pour contenir les populations. Ils imposaient des conditions humiliantes pour déposer les armes, exigeaient que le roi chassât ses conseillers et ses maîtresses, qu’il renonçât à résider en Saxe. Les conférences de Gerstungen et de Corwey n’amenèrent aucun résultat. Ils détruisirent de fond en comble les maisons de plaisance de l’empereur, sans ménager les églises ni les tombeaux ; ils jetèrent au vent les os d’un enfant royal mort en bas âge, et le pape fit la sourde oreille pour frapper de si odieux excès des censures ecclésiastiques. Au lieu de venir en aide à Henri, qui invoquait son secours, il présidait (mars 1074) un concile, le premier des conciles grégoriens qui ont été si multipliés, et anathématisait la simonie et le concubinat, enjoignant aux évêques sous les menaces les plus effrayantes de faire exécuter ses décrets. Ces ordres furent portés en Allemagne par des légats spéciaux qui s’apprêtaient à convoquer un concile national aux fins d’appliquer les canons du synode romain ; mais ils durent s’arrêter devant les résistances locales. Sigefroi d’Eppenstein, archevêque de Mayence, tint pourtant un synode à Herford, au mois d’octobre (1074), pour obéir au décret du pape et obliger les clercs à opter entre le mariage et le service de l’autel ; mais sa proposition fut très mal reçue, le synode fut dispersé par une émeute armée, et l’archevêque,