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Page:Revue des Deux Mondes - 1873 - tome 104.djvu/677

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l’ensemble forme le trépied vital, Bichat recherche comment la mort de l’un de ces trois organes détermine celle des autres et consécutivement l’arrêt graduel de toutes les fonctions. De nos jours, les progrès de la physiologie expérimentale, dans la voie que Bichat avait parcourue avec tant de succès, ont fait connaître dans leurs plus minutieux détails les divers mécanismes de la mort, et, ce qui est plus important, révélé tout un ordre d’activités qu’on n’avait jusqu’alors qu’entrevu dans le cadavre. La théorie de la mort s’est constituée peu à peu en même temps que celle de la vie, et plusieurs questions pratiques restées indécises, comme celle des signes de la mort réelle, ont reçu de ces travaux la solution la plus décisive.


I

Bichat a fait voir que la vie totale des animaux se compose de deux ordres de phénomènes, ceux de la circulation et de la nutrition, et ceux qui déterminent les relations de l’animal avec ce qui l’entoure. Il a distingué la vie organique de la vie animale proprement dite. Les végétaux n’ont que la première ; les animaux possèdent l’une et l’autre étroitement unies. Or, quand la mort survient, ces deux vies ne disparaissent point ensemble. C’est la vie animale qui est frappée tout d’abord ; ce sont les activités les plus manifestes du système nerveux qui s’arrêtent avant toutes les autres. Comment cet arrêt se produit-il ? Il faut considérer séparément ce qui arrive dans la mort de vieillesse, dans la mort par suite de maladies et dans la mort subite.

L’homme qui s’éteint à la fin d’une longue vieillesse meurt en détail. Tous ses sens se ferment successivement. La vue s’obscurcit, se trouble, et cesse enfin d’apercevoir les objets. L’ouïe devient graduellement insensible aux sons. Le tact s’émousse. Les odeurs n’exercent plus qu’une impression faible. Le goût seul persiste davantage, En même temps que les organes sensitifs s’atrophient et perdent leur excitabilité, les fonctions du cerveau s’éteignent peu à peu. L’imagination devient obscure, la mémoire presque nulle, le jugement incertain. D’autre part les mouvemens sont lents et pénibles par suite de la rigidité des muscles, la voix se casse ; bref, toutes les fonctions de la vie externe perdent le ressort. Chacun des liens qui attachent le vieillard à l’existence se rompt peu à peu. Cependant la vie interne continue. La nutrition se fait encore ; mais bientôt les forces abandonnent les organes les plus essentiels. La digestion languit, les sécrétions sont taries, la circulation capillaire est embarrassée ; celle des gros vaisseaux est suspendue à son tour,