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la simplicité et de l’indéfectibilité de tous les principes d’énergie qui remplissent l’univers. Il faut nous habituer à comprendre que ce que nous voyons n’est rien à côté de ce que nous ne voyons pas. Toute la force, tout le ressort des mouvemens les plus compliqués, des phénomènes les plus grandioses de la nature et des opérations les plus délicates de la vie, y compris la pensée, proviennent de l’emmêlement infini d’une infinité de séries de principes inétendus et cachés dont les activités vont en se perfectionnant depuis la simple capacité motrice jusqu’à la suprême raison. La personnalité humaine, telle que nous la voyons et la connaissons, n’est qu’une résultante complexe et grossière de celles de ces activités primitives qui sont au plus profond et au meilleur de nous-mêmes. Ce n’est pas celle-là qui est immortelle, — elle ne l’est pas plus que la force motrice d’une machine à vapeur ou l’électricité d’une pile de Volta alors que cependant le mouvement et l’électricité sont en eux-mêmes indestructibles. Ce n’est pas celle-là qui peut aspirer au sein de Dieu. Notre vraie personnalité, notre vrai moi, celui qui peut sans illusion compter sur une vie future, c’est l’unité dégagée de tout lien matériel et de tout alliage concret, c’est l’énergie manifestement simple, qui a la conscience plus ou moins nette de ses propres rapports avec l’infinité des unités semblables et s’en rapproche plus ou moins par la pensée et l’amour. Il est impossible de nous représenter ce que deviendra la vie de cette unité le jour où, quittant sa prison de chair et gagnant l’idéal éther, elle n’aura plus d’organes pour agir ; mais ce que nous pouvons affirmer, c’est que, précisément à cause de cela, elle s’élèvera à une science plus claire de ce qu’elle n’avait su qu’obscurément et à une dilection plus pure de ce qu’elle n’avait adoré qu’à travers le voile des sens. Et cette certitude, qui est l’ennoblissement de la vie, est aussi la consolation de la mort.


FERNAND PAPILLON.