Page:Revue des Deux Mondes - 1873 - tome 104.djvu/837

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

apportée par le vent de la mer. On eut alors l’idée d’emprisonner les orangers par petits groupes dans d’étroits enclos formés par divers arbres ; mais bientôt on s’aperçut que l’ombre nuisait à la croissance et à la maturité des fruits ; il fallut agrandir les vergers, et c’est seulement depuis 1845 qu’une disposition normale paraît avoir été adoptée définitivement. Les quintas sont maintenant des carrés de 40 à 50 mètres de côté ; des murs en pierres sèches, de 3 à 6 mètres de haut, les entourent de toutes parts. Les vents les plus impétueux ont peu de prise sur ces murailles épaisses composées de blocs basaltiques volumineux, denses, dont les surfaces rugueuses sont encastrées ensemble. Le rempart de pierres ainsi édifié est doublé intérieurement d’une haie de fayas serrés les uns contre les autres. Ces arbres au port élancé dépassent bientôt la crête du mur auquel ils sont adossés, et forment au-dessus un rideau verdoyant de plusieurs mètres d’élévation.

Après bien des essais pour rechercher l’essence qui convient le mieux à l’installation des abris, on paraît s’être accordé généralement pour préférer l’arbre açorien par excellence, le faya. Les essais faits pour le remplacer sont néanmoins assez intéressans pour que nous en disions quelques mots. Durant plusieurs années, la faveur populaire s’était prononcée pour le pittosporum undulatum, arbre élégant, au feuillage toujours vert, originaire de l’Australie et importé d’Angleterre il y a trente-cinq ans. Cet arbre avait séduit par la beauté de ses feuilles et par la rapidité de sa croissance ; mais il épuisait le terrain et nuisait à la végétation des plantes qu’il était appelé à protéger. Le laurier des Canaries et le laurier de l’Inde[1] possèdent également un beau feuillage et croissent promptement ; cependant leurs racines s’étendent au loin et épuisent aussi le sol. Le faya au contraire améliore la terre : les feuilles mortes constituent un engrais excellent. Non-seulement il n’enlève pas aux arbres plantés dans son voisinage les sucs nourriciers dont ils ont besoin, mais plusieurs essences, telles que le hêtre et le chêne, prospèrent mieux auprès de lui que lorsqu’ils végètent isolément. Le pittosporum tabira est employé dans les quintas voisines du bord de la mer ; il résiste mieux que le faya à la poussière d’eau salée que le vent rejette sur la côte. Le carinocarpus lœvigatus, originaire de l’Australie, résiste également à l’action des brises marines, et a de plus l’avantage de supporter la taille. L’acacia melanoxylon est recherché dans un cas tout opposé, car il ne réussit bien qu’à une distance assez considérable de la mer. Lorsqu’il n’est pas atteint par le souffle salin du vent maritime, il pousse très vite,

  1. Laurus canariensis et persea azorica.