Page:Revue des Deux Mondes - 1873 - tome 104.djvu/863

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

autrefois émergées, maintenant couvertes par les eaux ? En un mot, les Açores ont-elles toujours été des îles, ou représentent-elles les sommités montagneuses d’une large contrée qui se serait enfoncée sous les eaux, et dont les plaines seraient maintenant recouvertes par les flots de l’Océan ? La question posée ainsi dans toute sa généralité ne reçoit aucune solution de la géologie. Il est certain qu’un vaste affaissement peut avoir eu lieu : les exemples d’un tel phénomène sont si communs dans les annales de la science qu’il serait absurde d’en nier la possibilité ; mais d’autre part il faut reconnaître que rien dans la constitution du sol resté apparent ne justifie une pareille hypothèse. Si certaines parties du terrain se sont enfoncées sous les eaux, elles n’ont laissé aucun indice qui prouve qu’elles ont été autrefois à découvert. Oui, il a pu exister au milieu de l’Atlantique une vaste terre dont les Açores ne seraient qu’un minime débris. De nos jours, un soulèvement de 4, 500 mètres environ se produisant entre ces îles et l’Europe mettrait à sec le fond de cette partie de l’Atlantique, et réunirait l’Afrique, l’Europe et les trois archipels des Açores, des Madères et des Canaries ; l’imagination peut se représenter l’opération inverse et concevoir une dépression du sol abaissant un ancien continent à une profondeur égale au-dessous du niveau de l’Océan ; mais jusqu’à présent aucune observation positive ne vient à l’appui d’une semblable conception. La géologie néanmoins n’est pas entièrement impuissante : incapable de fournir la solution complète du problème, elle peut au moins donner un aperçu de la limite des conditions de temps nécessaires à la possibilité de l’affaissement supposé ; elle peut prouver qu’un pareil cataclysme, s’il est réel, n’a pu se produire qu’à une époque extrêmement reculée, et que par conséquent une Atlantide hantée par les Phéniciens n’a jamais existé, ou du moins que les Açores n’en ont jamais fait partie. Le fait sur lequel repose cette démonstration est le suivant.

Il y a eu aux Açores deux sortes d’éruptions ; les unes se sont opérées à l’air libre, les autres ont été sous-marines. Les cônes volcaniques auxquels elles ont donné naissance se distinguent facilement les uns des autres, les premiers étant formés de scories sèches et vitreuses, les seconds composés de grains de tuf très altérés par l’action de l’eau de mer. A l’inspection d’un cône d’éruption, on peut donc en fixer le mode de production, et par conséquent déterminer quelles étaient les conditions du terrain sur lequel il s’est élevé. Or les cônes de tuf, dont quelques-uns sont fort anciens, car ils sont souvent plus ou moins recouverts par des coulées de laves provenant des bouches volcaniques aériennes, forment comme une ceinture de sentinelles avancées autour de chacune des îles de l’archipel açorien : la mer en baigne encore le pied comme au jour