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Page:Revue des Deux Mondes - 1873 - tome 104.djvu/865

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témoins ont dû se produire de tout temps, bien que plus rarement peut-être qu’aujourd’hui. Les oiseaux et les insectes ont été amenés par leur instinct d’émigration, ou quelquefois poussés jusqu’aux Açores par les tempêtes qui sévissent dans ces parages orageux ; en même temps ils ont été le plus souvent les véhicules dont la nature s’est servie pour propager les plantes. Les mouvemens de la mer et de l’atmosphère ont aussi puissamment contribué à cette dissémination. De nombreux exemples de graines américaines apportées par le gulf-stream se voient chaque année, particulièrement sur les côtes de San-Miguel. La graine d’un mimosa (mimosa scandens) est une de celles que l’on ramasse les plus fréquemment sur les rivages des Açores. M. José do Canto, bien compétent en pareille matière, estime à une vingtaine le nombre des espèces américaines dont il a vu les graines ou les fruits échouer sur les plages de son île. Il m’a raconté que dans certains districts de San-Miguel les hommes de la côte se font des tabatières en creusant la graine d’une de ces espèces, qui a la forme d’un disque de plusieurs centimètres de diamètre. Les exemples d’importations de plantes s’opérant par l’intermédiaire des courans marins sont donc loin d’être rares, et l’on ne peut qu’être surpris du petit nombre des espèces américaines introduites aux Açores sans le secours de l’homme, quand on songe à la fréquence des apports effectués par le gulf-stream. Les courans atmosphériques sont aussi des agens puissans d’importation étrangère ; il suffit de citer à cet égard les nuées de sauterelles amenées du littoral africain sur les côtes de Terceire par le vent sud-est. On comprend facilement que des graines légères munies de filamens soyeux ou d’aigrettes plumeuses, que des spores de fougères ou de champignons, fines comme la plus délicate poussière, puissent être transportées par les vents au milieu de l’Océan, quand on sait que les cendres de Chicago sont arrivées jusqu’aux Açores le quatrième jour après le début de l’incendie qui a consumé cette ville. Ce jour-là l’aspect roussâtre du ciel du côté du nord-ouest, l’odeur empyreumatique qui se répandait partout, et plus encore la cendre recueillie, firent penser de suite aux habitans de Fayal qu’un immense embrasement avait lieu aux États-Unis.

On peut donc expliquer de la sorte la propagation d’un grand nombre d’espèces animales et végétales, mais il faut reconnaître pourtant que l’introduction de certains groupes d’animaux abondans aux Açores ne peut être raisonnablement attribuée à de telles causes. Un des groupes les plus rebelles à la théorie en question est celui des mollusques terrestres, pour lesquels l’élément paie forme une barrière infranchissable sans le secours de l’homme.